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samedi 27 juillet 2024
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Centrafrique : quels risques après les élections ?

Les électeurs centrafricains se sont rendus aux urnes le 27 décembre pour choisir leur président et leurs députés. Ces élections se sont tenues dans un climat de tension, quelques jours après l’apparition d’une nouvelle coalition de groupes rebelles qui contrôlent une grande partie du territoire de ce pays presque aussi grand que la France. La légitimité des prochains élus soulève quelques interrogations.

Fallait-il tenir les élections présidentielle et législatives dans les délais constitutionnels en Centrafrique, alors qu’approximativement, plus de 60 % du territoire national échappe au contrôle du gouvernement installé à Bangui ? Oui, selon Faustin-Archange Touadéra, aux commandes de la Centrafrique depuis 2016, qui tient coûte que coûte à renouveler son bail de cinq ans à la présidence ; non, si on s’en tient à une partie de l’opposition rejointe par plusieurs groupes armés.

Un accord de paix inappliqué

Cet accord, qui prévoyait notamment l’abandon, par les rebelles, de la lutte armée et la création d’une commission Vérité et Réconciliation, tarde à produire ses effets

Le gouvernement centrafricain a conclu un accord de paix en février 2019 avec une quinzaine de groupes armés qui imposent leur loi dans les territoires sous leur contrôle. Cet accord, qui prévoyait notamment l’abandon, par les rebelles, de la lutte armée et la création d’une commission Vérité et Réconciliation, tarde à produire ses effets. Depuis lors, les belligérants ont, grosso modo, consolidé leurs positions. Et il n’y a pas eu de combat de grande envergure entre les forces gouvernementales et les rebelles qui s’illustrent par des actes de banditisme et de racket. Ces groupes armés se distinguent par la mise en coupe réglée des populations locales, le prélèvement d’une série de taxes illégales et la surexploitation de ressources naturelles.

Réunis en visio-conférence dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), les chefs d’État de la région, qui suivent de près l’évolution de la situation en Centrafrique, se sont notamment prononcés en faveur d’un envoi supplémentaire de troupes armées en Centrafrique en vue de l’aider à « recouvrer l’intégrité de son territoire ».

 Le Rwanda et la Russie ont d’ores et déjà renforcé leur présence militaire en Centrafrique

Le Rwanda et la… Russie ont d’ores et déjà renforcé leur présence militaire en Centrafrique. Les deux pays semblent avoir pris fait et cause pour le gouvernement qui apparaît, au fil des semaines, de plus en plus fragilisé.  

François Bozizé au centre de tous les soupçons

Quelques jours avant le rendez-vous électoral du 27 décembre, l’incertitude planait sur la tenue du scrutin, après l’émergence d’un mouvement rebelle dénommé Coalition des patriotes pour le changement (CPC), qui se veut hostile aux élections dans le contexte actuel et favorable au dialogue. La CPC, constituée de groupes armés hétéroclites, a annoncé la couleur en procédant à quelques opérations qui lui ont permis de jeter le doute dans les esprits et de donner un zeste de crédit à son ambition affichée de « marcher sur Bangui ».

Les autorités centrafricaines ont cru voir la main de l’ancien président François Bozizé derrière la recomposition de la nébuleuse insurrectionnelle, sans pour autant apporter la preuve irréfutable de ce qu’elles avancent.

La Primature à Bangui. 2017 @MDMM

Face à cette situation, qui n’est pas de bon augure, la mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (Minusca), qui compte plus de 14500 personnes dans le pays, n’est pas restée indifférente.

La Minusca, qui compte plus de 14500 personnes dans le pays, n’est pas restée indifférente.

Le chef de cette mission onusienne a demandé à l’ancien président de s’inscrire résolument dans la recherche de la paix. « Nous condamnons toute alliance entre groupes armés et acteurs politiques », a déclaré Mankeur Ndiaye, qui se montre modérément optimiste. Il a précisé que la Minusca avait renforcé son appui aux forces gouvernementales et que les troupes onusiennes étaient placées en alerte maximale partout où elles avaient été déployées dans le pays. Le diplomate sénégalais a estimé que ce dispositif avait permis aux forces gouvernementales de stopper « toute progression vers Bangui et tout contrôle de villes stratégiques ». N’empêche, trois casques bleus burundais ont été tués lors d’accrochages avec des combattants armés non identifiés dans le centre du pays.

Un appel au boycott peu suivi d’effets

François Bozizé, en séjour dans son bastion de Bossangoa, à environ 300 km au nord de Bangui, est la cible privilégiée du gouvernement. Si rien ne prouve, à ce stade, qu’il tente de reprendre le pouvoir par la force, les soupçons à son encontre semblent reposer, en partie, sur son passé de chef rebelle.

Cet ancien putschiste, qui s’empara du pouvoir en 2003, fut renversé par un mouvement rebelle à dominante islamique en 2013

Cet ancien putschiste, qui s’empara du pouvoir en 2003, fut renversé par un mouvement rebelle à dominante islamique en 2013. Il prit le chemin de l’exil, au Cameroun, puis en Ouganda. Il est rentré dans son pays natal en 2019. Toutefois, il est toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt émis en 2013 par la justice centrafricaine pour crimes contre l’humanité et incitation au génocide

Après l’invalidation de sa candidature à l’élection présidentielle par la Cour constitutionnelle, son parti, Kwa na Kwa, a apporté son soutien à Anicet-Georges Dologuélé. Cet économiste, ancien Premier ministre, brigue, à 63 ans, la présidence au nom de l’Union pour le renouveau centrafricain. Mais quelques heures avant l’ouverture des bureaux de vote, François Bozizé a, dans un enregistrement relayé sur Internet, appelé au boycott des élections. Pour autant, Kwa na Kwa n’a pas retiré ses candidats aux élections législatives organisées en même temps que la présidentielle.

Pour autant, Kwa na Kwa n’a pas retiré ses candidats aux élections législatives organisées en même temps que la présidentielle.

Lancé par Bozizé, l’appel au boycott, diffusé dans un pays où le taux de pénétration de l’Internet est faible, n’a pas touché la grande majorité des quelque 5 millions de Centrafricains. Les partisans de l’ex-président, pris de court, ont tenté d’éteindre le feu. « Le président Bozizé a pris une position à contrecœur. Il a demandé aux Centrafricains de ne pas aller voter. Les conditions d’organisation du scrutin, qui ne permettent pas aux électeurs centrafricains de voter et de pouvoir s’exprimer librement, ont poussé le président Bozizé, par dépit et à la dernière minute, à vouloir encourager les Centrafricains à s’abstenir de se rendre aux urnes », a expliqué Christian Guenebem, le porte-parole de Kwa na Kwa. 

Les opérations de vote se sont globalement déroulées dans le calme

Malgré tout, les électeurs se sont rendus aux urnes à Bangui et dans d’autres coins du pays où la situation sécuritaire n’était pas trop inquiétante. Les opérations de vote se sont globalement déroulées dans le calme. Reste une inconnue de taille : le taux de participation à l’échelle nationale.

Malgré tout, les électeurs se sont rendus aux urnes à Bangui et dans d’autres coins du pays où la situation sécuritaire n’était pas trop inquiétante

De quelle légitimité peuvent se prévaloir les futurs élus ? La question divise les analystes.

« Si on fait des estimations optimistes, il doit y avoir au maximum 30 % du corps électoral qui a pu se déplacer pour voter. Cela ne veut pas dire que 30 % du corps électoral a voté. Dans ces conditions, tout vainqueur de ces élections en sortira amoindri et manquera de légitimité », a noté Christian Guenebem.

Le président sortant fait figure de favori

Il y a peu de suspense sur l’issue de la présidentielle dont les premiers résultats sont attendus le 4 janvier. Le président sortant, Faustin-Archange Touadéra, devrait assurer sa succession sans trop de complications. Cet ancien ministre est un président faible et effacé qui a cependant tenu bon, contre vents et marées. Les calculs politiques de cet universitaire, docteur en mathématiques et ancien professeur à l’université de Bangui, pourraient se révéler payants à court terme, même si son bilan global est fort peu reluisant.

Rien n’indique que si Faustin-Archange Touadéra conserve le pouvoir face à une quinzaine d’adversaires, la Centrafrique réussira, comme par miracle, à exorciser ses vieux démons de l’instabilité.

Rien n’indique toutefois que si Faustin-Archange Touadéra conserve le pouvoir face à une quinzaine d’adversaires, la Centrafrique réussira, comme par miracle, à exorciser ses vieux démons de l’instabilité. Cette instabilité chronique, marquée par des violences récurrentes depuis 2013, a poussé plus de 623 000 Centrafricains à trouver refuge dans des pays voisins et fait plus de 684 000 déplacés internes.

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