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mardi 19 mars 2024
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RDC. Alexandre Kayumba, 27 ans, un entrepreneur à succès

Alexandre Kayumba, 27 ans, est à la tête du Groupe Barthélémy Alexandre (GBA) qui comprend des entreprises de plusieurs secteurs d’activité : distribution de carburants, exploitation minière, services financiers, fabrication de glaçons, sécurité et gardiennage, etc. Loin de s’en tenir à cela, le jeune entrepreneur a plusieurs projets dans ses tiroirs.

Alexandre Kayumba. @AMM

Au total, plus de 350 fiches de paie sont élaborées chaque mois dans les différentes sociétés du groupe. Malgré les nombreux problèmes que vit la RD Congo, ce jeune entrepreneur, né en Belgique le 5 mars 1993, croit en l’avenir de son pays et contribue, à sa manière, à la lutte contre le chômage qui frappe de plein fouet nombre de jeunes, et notamment de jeunes diplômés d’université.

En seulement 5 ans, Alexandre Kayumba a fait du Groupe Barthelemy Alexandre (GBA) un acteur qui compte dans la distribution des hydrocarbures dans la capitale.

Que de chemin parcouru depuis la création, en 2015, de ce groupe, qui démarre avec un capital de 1000 dollars et un pick-up. Le conglomérat, qu’il contrôle, détient aujourd’hui des participations dans divers secteurs d’activité.

Sur les traces de papa ?

Son père, Jean Claude Nsalanga, figure bien connue des milieux d’affaires, a investi dans la sécurité et le gardiennage dans les deux Congo avant d’être contraint de se désengager de Brazzaville. Les autorités du Congo-Brazzaville l’ont pris en grippe pour des raisons qu’il n’a jamais réussi à cerner. L’opération «Mbata ya Bakolo » (la gifle des aînés en lingala), lancée en avril 2014 par la police du Congo Brazzaville, qui s’est traduite par l’expulsion de quelque 300 000 congolais de RDC, n’a rien arrangé. Aussi Nsalanga n’avait-il plus d’autre choix que de concentrer tous ses efforts sur la rive gauche du fleuve Congo.

La bosse des affaires

Alexandre Kayumba se découvre tôt la bosse des affaires. « Je me suis lancé tôt dans l’entreprenariat, sans même m’en rendre compte », explique posément le jeune homme d’affaires, issu d’une famille originaire du Kasaï oriental, une province riche en diamant. A l’âge de 14 ans, il propose des téléphones à ses camarades de classe pour gagner de l’argent de poche supplémentaire. Ceux-ci en parlent à leurs parents qui acceptent d’acheter.

« Je me suis lancé tôt dans l’entreprenariat, sans même m’en rendre compte »

Tout est parti d’un contact avec un fournisseur de mobiles qui cherche de nouveaux débouchés. Alexandre Kayumba, qui étudie dans une école internationale de Kinshasa dénommée Cours Sénèque, le convainc de lui faire confiance. Pari gagné ! Le jeune Kayumba répond vite aux attentes de son interlocuteur. Ses marges sont faibles. Il renouvelle ensuite l’opération avec un concessionnaire de voitures. Cette fois-ci, il n’est pas question de proposer des véhicules à des élèves, mais à des clients qui sont déjà dans la vie active.

« C’est un concessionnaire d’origine libanaise qui est d’ailleurs devenu un ami, je dirais même un frère. Il m’a ouvert les yeux dans l’entreprenariat. Je prenais des photos de voitures qu’il importait. Ces photos m’ont permis de démarcher plusieurs clients potentiels. Je pense que mon sens de la persuasion a fait le reste. Je prenais un petit pourcentage de commission sur chaque véhicule que je réussissais à vendre », se souvient le numéro un du GBA. Il sert également d’intermédiaire dans des transactions immobilières qui lui rapportent une belle somme.

Séjour en Afrique du Sud et en Belgique

Son séjour en Afrique du Sud lui a ouvert les yeux et fait prendre conscience de certaines dures réalités de ce pays.

Après avoir abandonné ses études secondaires, Alexandre part apprendre la langue anglaise en Afrique du Sud. Il observe, non sans surprise, que dans la société arc-en-ciel, les relations entre les différentes communautés (Indiens, Blancs, Noirs, Métis) restent difficiles, malgré l’abolition de l’apartheid au début des années 90. Il apprend beaucoup de son expérience dans la ville du Cap où il fait la connaissance de plusieurs membres de la communauté congolaise qui y est visible.

Son séjour en Afrique du Sud lui a ouvert les yeux et fait prendre conscience de certaines dures réalités de ce pays. « Une belle expérience. J’ai beaucoup appris dans ce pays. Je ne dirais pas que je suis parfaitement bilingue, mais je parle anglais correctement aujourd’hui. Cela m’aide dans certaines situations »,  explique-t-il.

Il part ensuite en Belgique où il effectue une formation en gestion, comptabilité et communication. Il s’applique assidûment et tout se passe comme prévu. Il vit de l’argent que lui envoie régulièrement son père pour couvrir les dépenses courantes, mais ce n’est pas la dolce vita. Loin de là.

Retour au pays

Retour en RD Congo en septembre 2014. Il est embauché en tant que commercial chez First Security, l’entreprise de son père spécialisée dans la sécurité des biens et le gardiennage. Mais l’aventure tourne court. Des incompréhensions persistent entre lui et son père. Alexandre Kayumba, lui, ne jure que par l’entreprenariat.  

A quelque chose malheur est bon. Après avoir quitté l’entreprise de papa, Alexandre Kayumba décide de créer sa propre société, spécialisée dans un premier temps dans la fourniture de carburants (NS Energy). Au bout d’une année, il réalise un chiffre d’affaires de plus de 1 million de dollars et de près de 6 millions de dollars au cours de l’exercice suivant.

Au bout d’une année, il réalise un chiffre d’affaires de plus de 1 million de dollars et de près de 6 millions de dollars au cours de l’exercice suivant.

Diversification des activités

L’équipe de NS Energy. @DR

La création de GBA est le fruit d’une réflexion que Kayumba a mûrie après une enquête qu’il a réalisée auprès de plusieurs chefs d’entreprise autour de deux questions centrales : « qu’est-ce qu’on trouve facilement et qui coûte cher ? Qu’est-ce qu’on trouve difficilement et pour lequel on serait prêt à payer le prix fort ? ». Pour l’essentiel, les réponses qu’il a recueillies sont le carburant pour la première question, et le sucre blanc pour la seconde. Le sucre blanc est notamment utilisé dans des industries locales.  

Après s’être approvisionné en sucre blanc à Lufu, poste-frontière avec l’Angola, qu’il destine à Kinshasa, il réalise que l’opération nécessite de gros investissements et d’importants moyens logistiques. Kayumba décide alors de se focaliser sur la fourniture de gasoil, qui représentait un plus petit investissement de départ. Il achète le gasoil à des traders, qu’il revend ensuite à ses clients, auxquels il assure le transport du produit par camion jusqu’à destination.

Au fil des ans, le groupe se diversifie avec le développement de nouvelles activités

Au fil des ans, le groupe se diversifie avec le développement de nouvelles activités dont la fabrication de glaçons (Mr Ice), la restauration rapide (Miam Miam), la location de machines à effets spéciauxpour tous types d’événements (Guépard 4) et des services financiers (Soco). Alexandre Kayumba acquiert ensuite 40% de First Security.

Fabrique de glaçons du GBA. @DR

Réseau de stations-service

Ses projets à court terme ? Il les déroule, sans sourciller : « Je voudrais passer de la distribution de carburants, comme je le fais maintenant, à un réseau de stations-service. J’ai contacté un cabinet d’audit pour examiner nos comptes. Après cet audit général, nous pourrons lever des fonds pour concrétiser ce projet de grande envergure. Nous voulons construire des stations d’un type nouveau, comme celles qu’on trouve en Afrique du Sud », explique-t-il.

A travers ce projet, le jeune chef d’entreprise nourrit l’ambition de créer le deuxième réseau de stations-service 100 % congolais dans la capitale d’un pays dont des pans entiers de l’économie sont tenus par des expatriés, avec la bénédiction de responsables politiques.  

« Il faut que les Congolais s’installent peu à peu dans des secteurs clés de l’économie », observe Alexandre Kayumba. C’est dans cette optique qu’il a créé Alexander World Ltd à Dubaï où il cherche des partenaires qui peuvent l’accompagner dans le commerce des produits pétroliers. 

Exploitation minière

En 2018, Alexandre Kayumba ajoute une nouvelle corde à son arc : il se lance dans l’exploitation minière dans l’est du pays. En échangeant avec son associé, un habitué des milieux patronaux, il se rend compte que les nationaux sont peu présents dans cette filière.

En 2018, Alexandre Kayumba ajoute une nouvelle corde à son arc : il se lance dans l’exploitation minière dans l’est du pays.

Pari ambitieux ! Mais les perspectives à court terme et à moyen terme sont prometteuses.  Leurs apports financiers permettent aux deux partenaires d’acquérir des concessions et de commencer l’exploitation d’une petite mine d’or et la construction d’une raffinerie.

Une délégation de responsables politiques, venue visiter le site minier, a été surprise de constater que ce projet générateur de plusieurs dizaines d’emplois est porté par un jeune entrepreneur congolais. Une telle initiative nécessitant des investissements lourds, la délégation a recommandé à Alexandre Kayumba de déposer un dossier au Fonds de promotion de l’industrie, un établissement public créé en 1989 pour financer les porteurs de projets et placé sous la tutelle des ministères de l’Economie nationale, de l’Industrie et du Portefeuille.

First Security. @DR.

Accompagner les jeunes

En RD Congo, de nombreux jeunes qui élaborent des « business plans », butent sur le casse-tête du financement. Le système bancaire est peu enclin à prendre des risques avec des « nouveaux venus ». Dans un tel environnement, faute d’encadrement adéquat et de solides mécanismes de financement, les jeunes talents ont du mal à donner le meilleur d’eux-mêmes. Conscient de toutes ces difficultés, Alexandre Kayumba a pris le parti d’accompagner ces entrepreneurs en herbe.

Le patron du GBA, qui œuvre pour l’éclosion d’une nouvelle génération d’entrepreneurs, aspire à devenir une voix forte des jeunes leaders africains.

Le patron du GBA, qui œuvre pour l’éclosion d’une nouvelle génération d’entrepreneurs, aspire à devenir une voix forte des jeunes leaders africains.  « Je suis convaincu de la nécessité d’investir dans les capacités des jeunes générations, comme la mienne ou celles qui viennent, car les jeunes ont davantage de nouvelles idées et le courage d’oser les concrétiser », souligne-t-il.

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