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vendredi 19 avril 2024
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RDC. Cascade de projets de barrages pour résorber le déficit énergétique

Les idées fleurissent dans le secteur privé congolais pour accroître substantiellement la capacité énergétique de la RD Congo. Plusieurs projets attendent d’être mis en œuvre.

C’est une ritournelle : le développement économique de la République démocratique du Congo est entravé par la faiblesse de son offre énergétique. Le plus grand pays d’Afrique subsaharienne tarde en effet à exploiter à bon escient son extraordinaire réseau hydrographique, composé du fleuve Congo, le deuxième plus puissant du monde par son débit après l’Amazone, des milliers de rivières et de petits cours d’eau, avec un potentiel hydroélectrique estimé à 110 gigawatts (GW).

Des projets de barrages et de centrales financés par le privé

Inutile, dans ces conditions, de songer à l’industrialisation. Pourtant, une douzaine d’entrepreneurs congolais, membres de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), ont décidé de relever le défi, en initiant des projets de construction de barrages et de centrales complètement financés par le secteur privé.

L’initiative a été favorisée par la libéralisation, en 2014, du secteur de l’énergie. Aux termes de la loi, la Société nationale d’électricité (SNEL), l’entreprise publique qui avait le monopole de la production, de la distribution et de la vente de l’électricité, est contrainte de faire face à la concurrence. De nouveaux acteurs s’engouffrent dans la brèche ainsi ouverte par le législateur qui s’est rendu compte que la SNEL, munie d’un outil de production obsolète et plombée par de graves problèmes financiers et de gestion, n’arrivait pas à couvrir les besoins nationaux. Avec moins de 15 % de sa population ayant accès à l’électricité, le pays fait partie des pires élèves de la planète dans ce domaine.

Centrale de Kuidi

Le projet le plus ambitieux est piloté par Great Lake Energy d’Yves Kabongo, le patron du fonds d’investissement KBG Capital. Cet homme d’affaires multi-casquette, qui a diversifié ses investissements (mines, énergie, pétrole, sous-traitance dans ces trois secteurs, etc.), est un ancien du groupe canadien Bombardier et de la Banque nationale du Canada. « Nous ne construirons pas un barrage, mais une centrale. Nous allons utiliser une technologie appropriée au turbinage à fleur d’eau. Nous ne barrons pas le fleuve, ce qui peut provoquer des risques d’inondation. Notre idée est de produire de l’énergie de très bonne qualité, beaucoup plus stable, pour entrer dans l’espace que la SNEL occupe mal », explique ce banquier d’investissement dans son bureau, juché au troisième étage d’un bâtiment situé près du fleuve Congo, dans la commune huppée de la Gombe, à Kinshasa.

L’île de Kuidi, lieu choisi pour l’érection de cet ouvrage, se situe en aval de Kinshasa, à deux pas des chutes de Kinsuka. L’étude de faisabilité, réalisée par Tractebel Engie et Power China, a confirmé l’énorme potentiel de ce site. La centrale, qui aura une puissance installée de 900 mégawatts (900 MW), sera équipée de 12 turbines de 75 MW chacune.

Le coût du projet est évalué à 2,7 milliards de dollars. Les travaux de construction, dont le coup d’envoi est prévu dans la deuxième moitié de l’année 2020, prendront entre 5 et 7 ans. Il s’agira de livrer entre 250 et 300 MW à Kinshasa, éventuellement 50 MW dans le Grand Kasaï et 600 MW à Kolwezi, où se concentrent les premiers clients ciblés par le futur nouvel opérateur. Une ligne de transport de l’électricité sera construite sur plus de 1500 Km, entre Kinshasa et Kolwezi, capitale du Lualaba, une province issue de la division, en 2015, de l’ex-Katanga (sud-est) en quatre entités distinctes, où les sociétés minières manquent cruellement d’énergie.

Miser sur les compétences congolaises

Une nouvelle classe d’entrepreneurs décomplexés et ouverts au monde semble émerger en RDC, qui patauge dans les tréfonds du classement Doing Business publié chaque année par la Banque mondiale, sur le climat des affaires dans 190 pays. « Si nous investissons et faisons aboutir tous ces projets, nous arriverons à doubler, voire tripler, la capacité actuelle de la RDC. Et le développement en résultera, s’il repose sur des politiques mûrement réfléchies et adaptées à nos réalités », note, de son côté, Eric Monga, le président de la FEC dans l’ex-Katanga. Sa société, Kipay Investments, travaille sur un projet de barrage d’une capacité de 150 MW, sur la rivière Lufira, à Sombwe (sud-est), pour un coût estimé à un peu moins d’un milliard de dollars. Les travaux préparatoires lancés en novembre 2019 devraient s’achever entre mai et juin 2020. C’est à l’issue de cette phase que commencera la construction du barrage qui devrait prendre 36 mois.

Eric Monga a étudié à l’université de Kinshasa et à l’université de Lubumbashi. Son discours, résolument optimiste, tranche avec le pessimisme ambiant. « Je suis un investisseur congolais, conscient que le pays est à reconstruire. Pour commencer, nous avons, pour la plupart, levé les fonds en RDC, dans les banques locales. Certes, nous travaillons avec des bureaux d’études internationaux, mais nous nous sommes appuyés avant tout sur des compétences congolaises à l’université de Kinshasa, à celle de Lubumbashi et au centre nucléaire. Nos géologues et nos hydrologues sont congolais », souligne-t-il.

Quid du Grand Inga ?

L’essaimage de barrages et de centrales à travers le pays rend-il caduc le projet d’extension du barrage hydroélectrique d’Inga mis en service dans le Kongo-Central (ouest) en 1972 ? Non, assure-t-on du côté de la FEC. Inga III, dont la mise en oeuvre nécessite plusieurs milliards de dollars (la fourchette est large : entre 14 et 22 milliards de dollars, selon les scénarios retenus) que la RDC peine à réunir, aura pour finalité de produire de l’énergie dont une partie sera destinée à l’exportation.

S’il est mené à son terme, le Grand Inga, dont la capacité est estimée à 12 000 MW, sera l’un des projets les plus coûteux engagés par le pays depuis son accession à l’indépendance en 1960. Pour l’heure, le flou est entretenu autour du financement, des investisseurs et de l’échéance du premier coup de pioche. Toutefois, des voix s’élèvent ici et là pour mettre à mal le projet de Grand Inga dont la rentabilité est sujette à caution. Et la question divise les économistes. Assistera-t-on à un retournement ? La RDC, qui est bénéficiaire, dans certaines parties de son vaste territoire, d’un ensoleillement quasi continu sur toute l’année, ne semble pas tirer profit des nombreux atouts que la nature lui a offerts. Elle n’a pas massivement investi dans l’énergie verte. Mais la donne risque de changer dans les prochaines années, si la prise de conscience collective de capitaines d’industrie congolais se traduit en actes.

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