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vendredi 19 avril 2024
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Sandrine Mubenga, le cerveau congolais derrière la voiture hybride

Née à Kinshasa, en RD Congo, Sandrine Mubenga a contribué, aux Etats-Unis, au développement de l’industrie de la voiture électrique, qui est au centre des grands enjeux géopolitiques et économiques mondiaux.

Sandrine Mubenga Ngalula, docteur en génie électrique et, depuis 2018, professeur à l’université de Toledo (Ohio), aux Etats-Unis, a mis au point un système d’hybridation du véhicule électrique. « Cette réalisation est le fruit de l’une des plus grandes recherches que j’ai faites en vue de mon master. J’ai rendu hybride une voiture électrique afin qu’elle puisse rouler avec de l’hydrogène, un élément que nous avons en abondance dans l’univers. Je parle bien de l’univers qui est au-delà de la planète terre. Si on arrive à capturer l’énergie qui se trouve dans l’hydrogène, on règle plusieurs problèmes. C’est ainsi que je me suis tournée vers la voiture électrique », explique la jeune femme. 

Docteur en génie électrique et professeur à l’université de Toledo aux Etats-Unis, Sandrine Mubenga a mis au point un système d’hybridation du véhicule électrique.

Les voyages instruisent

Sandrine Mubenga Ngalula a passé sa prime enfance ballottée de pays en pays, au gré des mutations d’un père qui, pour le compte de l’ONU, a été en poste tour à tour en République démocratique du Congo, en Belgique, en France, au Sénégal… Ces voyages ont instruit et fortifié la jeune femme qui a appris à aborder certaines questions avec philosophie. « Je suis fière de mon héritage culturel et de notre civilisation. Je suis fière d’être congolaise. J’ai appris que partout dans le monde, quelle que soit la couleur de notre peau, quels que soient nos langues et nos accents, nous recherchons tous le bonheur », tranche-t-elle.

Grâce notamment à ses déplacements, la jeune femme a acquis de remarquables aptitudes linguistiques. En effet, outre l’anglais et le français, cette polyglotte parle toutes les quatre langues nationales de la RDC (lingala, kiswahili, tshiluba et kikongo) et se définit comme une « citoyenne du monde ».

« J’ai appris que partout dans le monde, quelle que soit la couleur de notre peau, quels que soient nos langues et nos accents, nous recherchons tous le bonheur »

Grave maladie

La chercheuse aurait pu connaître un autre destin si un événement malheureux ne lui avait pas ouvert les yeux à Kikwit, dans l’ex-province du Bandundu, d’où son père est originaire. Adolescente, elle a vécu dans cette ville située à environ 400 Km à l’est de Kinshasa. A 17 ans, elle est gravement tombée malade. Son état de santé nécessitait une opération urgente que les médecins ne pouvaient pas effectuer, faute d’électricité. « J’ai failli mourir. Il n’y avait pas d’électricité là où j’habitais. L’hôpital n’avait pas suffisamment de carburant pour mettre en route le groupe électrogène. J’ai attendu pendant trois jours, entre la vie et la mort. Suite à cette mauvaise expérience, qui aurait pu virer au drame, j’ai décidé de devenir ingénieur en électricité », confie-t-elle.

Priorité aux énergies renouvelables

Sa carrière académique, aux Etats-Unis, ne l’a pas coupée de la RDC où elle se rend régulièrement. En 2013, elle a ouvert, à Kinshasa, une filiale de Smin Power Group, une entreprise qu’elle a créée deux ans plus tôt aux Etats-Unis. « Nous faisons la conception et l’installation des systèmes qui recourent aux énergies renouvelables. Pour l’instant, nous sommes concentrés sur l’énergie solaire photovoltaïque », note Sandrine. La société s’est engouffrée dans la brèche ouverte par la libéralisation de ce secteur en RDCongo où la production et la distribution de l’énergie électrique étaient, pendant des décennies, le monopole de la Société nationale d’électricité (SNEL).

Sa carrière académique, aux Etats-Unis, ne l’a pas coupée de la RDC où elle se rend régulièrement.  

Les autorités affirment que tout sera mis en œuvre pour que le taux d’électrification augmente sensiblement, en vue d’accélérer l’industrialisation de la RD Congo. Le pays dispose d’une gamme variée de métaux rares utilisés dans diverses industries de pointe. Mais les minerais extraits de son sous-sol sont en grande partie exportés sans avoir été complètement transformés sur place. Pourtant, une telle transformation donnerait de la valeur ajoutée à ces produits, créerait des emplois et rapporterait des revenus additionnels à l’Etat. « Dans un pays aussi vaste que la RD Congo, plusieurs solutions sont envisageables pour résorber les entraves à l’industrialisation, en grande partie liées au faible taux d’électrification. Le premier facteur à intégrer dans l’équation est l’emplacement du site à électrifier. Selon sa localisation, on trouvera la solution la mieux adaptée à la situation », observe le professeur.

Susciter des vocations scientifiques

Sandrine Mubenga Ngalula est membre du conseil d’administration de l’Université Loyola du Congo, la première université jésuite en RD Congo, située à Kimwenza (Kinshasa). Elle a mis en place un programme en vertu duquel des diplômés de cet établissement pourront poursuivre leur cursus à l’Université de Toledo. Elle a également créé un Fonds qui offre des bourses aux étudiants désireux de se lancer dans des filières communément désignées par l’acronyme STEM (science, technology, engineering and math) aux Etats-Unis. Une manière, pour elle, de susciter des vocations en RDCongo, où l’intérêt pour les sciences semble quelque peu s’émousser ces dernières années. « J’ai la chance d’avoir de bons réseaux au sein des institutions. J’en profite pour faire avancer les sciences dans le pays », relève-t-elle.   

Tout n’est pas sombre

A la différence des facultés américaines, les établissements d’enseignement universitaire congolais souffrent d’un manque d’équipements. Les laboratoires ne sont pas toujours dotés de matériels fonctionnels et récents. Ce constat général recouvre toutefois des réalités diverses : certaines universités congolaises disposent de laboratoires où les étudiants peuvent travailler sans difficultés majeures. « Certes, beaucoup reste à faire ; mais tout n’est pas sombre. Il existe en RD Congo des universités qui font des efforts et arrivent à se tirer d’affaire sur le plan des équipements », observe la jeune femme.

« Certes, beaucoup reste à faire ; mais tout n’est pas sombre. Il existe en RD Congo des universités qui font des efforts et arrivent à se tirer d’affaire sur le plan des équipements »

Zumba et cuisine congolaise

Pendant ses moments de détente, Sandrine Mubenga Ngalula aime faire du jogging et participer à des séances de zumba, un programme d’entraînement physique associé à des danses sud-américaines. Elle est également peintre à ses heures perdues.  De retour chez elle, elle n’hésite pas à ôter sa casquette de chercheuse pour visser celle de cordon bleu, avant de se glisser dans la cuisine pour concocter des mets typiquement congolais. Elle puise dans les recettes culinaires traditionnelles. Le pondu (le « plat national » congolais à base de feuilles de manioc), le makayabu (morue salée), le fumbwa (le gnetum africanum, de son nom scientifique), etc. garnissent de temps en temps sa table, au grand bonheur de sa famille et des visiteurs.

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