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jeudi 18 avril 2024
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Andréa Ngombet : « Je lutte contre l’influence de la Chine au Congo »

Andréa Ngombet, 34 ans, est un candidat déclaré à la présidentielle de 2021. La seconde partie de l’entretien qu’il nous a accordé porte sur sa vision des enjeux stratégiques internationaux.

Propos recueillis par Arthur Malu-Malu.

Makanisi : Si vous êtes élu, comptez-vous redéfinir les partenariats stratégiques du Congo ?

Andrea Ngombet : Je viens tout d’abord avec une proposition stratégique : je lutte contre l’influence de la Chine au Congo et plus généralement en Afrique centrale. Cette proposition se situe au carrefour des intérêts congolais et des intérêts internationaux. Les questions de sécurité cybernétique se posent avec le déploiement de Huawei en Afrique centrale. Les velléités de Pékin de transformer le port de Pointe-Noire en port dual, c’est-à-dire un simple port maritime et un port militaire à la fois, soulèvent des questions de sécurité stratégique. La question centrale est celle-ci : qui est capable de mieux défendre les intérêts et la souveraineté du Congo face aux appétits des différents impérialistes ? Le Congo a vocation à être à la pointe du combat contre l’influence de la Chine dans le monde. Nous sommes dans une bataille systémique. Nous devons défendre la démocratie libérale partout où c’est possible.

S’agissant de la sinophobie, j’accepte d’être tous les « phobes », si cela aide le Congo.

Vous prenez la posture de celui qui veut barrer la route à la Chine, avec le risque d’être accusé de sinophobie…        

AG : Je défends d’abord les intérêts du Congo qui sont, en ce moment, en conflit avec les intérêts de la Chine. Néanmoins, je suis un homme de dialogue et la situation peut évoluer. Si la Chine change, s’adapte et veut dialoguer, notre porte est ouverte. Mais pour l’instant, nous sommes en face d’un ogre qui n’hésite pas à soutenir des dictatures pour ses intérêts immédiats. Réputée pour sa politique de long terme, la Chine semble toutefois avoir perdu ses principes confucéens en traversant le fleuve Congo. A Brazzaville, c’est la voracité tous azimuts. Le pays est livré. Selon les témoignages que nous avons recueillis, la Chine se permet, sur le sol congolais, d’interdire à ses entreprises de se fournir ailleurs qu’auprès des fournisseurs d’origine chinoise. Nous sommes face à un partenaire qui n’a aucun intérêt à respecter nos lois et nos règlements. S’agissant de la sinophobie, j’accepte d’être tous les « phobes », si cela aide le Congo. S’il faut être américanophobe, francophobe, et je ne sais quoi d’autre, j’assume cette position, pour défendre les intérêts du Congo. Je suis avant tout congophile.

Notre allié direct, immédiat, avec lequel nous sommes contraints de vivre n’est pas la Chine, mais l’autre Congo, la République démocratique du Congo.

Par quel pays comptez-vous remplacer la Chine, qui deviendra inéluctablement la première puissance économique du monde dans un avenir relativement proche 

AG : Ma vision stratégique se fonde sur une vision endogamique. Notre allié direct, immédiat, avec lequel nous sommes contraints de vivre n’est pas la Chine, mais l’autre Congo, la République démocratique du Congo. S’il y a un pays avec lequel je dois travailler, coopérer, raffermir les liens, c’est bien la RDC. Nous devons proposer des solutions stratégiques viables pour les deux parties afin de créer un pôle de croissance. Il y a un problème de partage des productions de pétrole dans les zones frontalières. Nous devons le traiter sur le fond en vue de créer un pôle de croissance RDC-Angola-Congo. C’est ma priorité. Je remplacerais la Chine d’abord par ce schéma, car le Congo n’a pas besoin de la Chine pour se développer.

Nous avons 5 millions d’habitants, le pétrole et d’autres ressources. Nous trouverons toujours des partenaires qui nous respectent et que nous pouvons respecter. Le Japon ferait l’affaire. C’est une puissance suffisamment démocratique et ouverte qui dispose de tribunaux capables de sanctionner la grande corruption. Le cas de Carlos Ghosn illustre bien mon propos.

A moyen et long terme, le Congo doit créer un espace dans ce qu’on appelle le Sud-Atlantique qui est une zone abandonnée par les radars stratégiques

Le Japon sur lequel vous misez, n’est-il pas trop loin ?

AG : A moyen et long terme, le Congo doit créer un espace dans ce qu’on appelle le Sud-Atlantique qui est une zone abandonnée par les radars stratégiques. Cette zone est constituée du Brésil, de l’Uruguay, de l’Argentine et en face il y a l’Afrique du Sud, la Namibie, l’Angola, le Congo et la RDC. Voilà notre espace de jeu. L’histoire a fait que nous avons en face de nous, des populations noires qui mangent la même chose que nous, participent de la même culture et sont le premier réceptacle d’une diaspora au sens élargi. Ce sont des frères et des sœurs formés et prêts à travailler. Ils constituent un marché immense. Les 100 millions de Noirs brésiliens peuvent consommer. Pour la petite histoire, une ville comme Salvadore de Bahia a été fondée par des esclaves noirs d’origine kongo. Je n’ai pas besoin d’aller chercher des Chinois qui ne mangent pas de manioc et de saka-saka.

Si on m’accuse d’être un agent de l’Occident et qu’au bout du compte, les Congolais ont de l’eau courante, j’accepte d’être l’agent de l’Occident.

Vous n’échapperez pas à l’accusation d’être le cheval de Troie de l’Occident, qui œuvre au départ des Chinois pour laisser la place aux Occidentaux…    

AG : Je l’assume sans sourciller, parce que cette accusation est fausse. Quand on laisse les populations dans des situations sanitaires extrêmement graves et qu’au premier panaris, on saute dans un avion médicalisé pour aller à l’hôpital américain de Neuilly, en France, qui est l’agent de l’Occident ? C’est une rhétorique qu’on utilise pour disqualifier l’adversaire. Elle est le résultat des idées périmées qui circulent. Si on m’accuse d’être un agent de l’Occident et qu’au bout du compte, les Congolais ont de l’eau courante, j’accepte d’être l’agent de l’Occident. Si à la fin, les femmes congolaises peuvent accoucher sans risquer leur vie, j’assume d’être l’agent de l’Occident et du diable lui-même. Cette accusation ne m’affecte pas.

Vous voulez une rupture des relations diplomatiques avec la Chine pour dérouler le tapis rouge à Taïwan…

AG : La rupture ne viendrait pas de moi. Le Congo est un pays souverain qui peut traiter avec la Chine et Taïwan en même temps, ainsi que le Japon, les Etats-Unis…

Pékin doit apprendre, comme un grand, à supporter que des nations indépendantes fassent ce qu’elles veulent.

C’est impossible de traiter avec la Chine et Taïwan en même temps…    

AG : Non, pas de mon point de vue. C’est le problème de Pékin, pas le mien. Pays souverain, le Congo contractualise librement avec qui il veut et est en capacité de résister à la pression diplomatique chinoise. Que cela ne plaise pas à Pékin est un autre débat. Pékin doit apprendre, comme un grand, à supporter que des nations indépendantes fassent ce qu’elles veulent. Voilà où nous plaçons le curseur. Nous aurons des alliés militaires, financiers et stratégiques pour résister et trouver les ressources nécessaires au développement du Congo. La défense des frontières du Congo commence à Taïwan. Si Taïwan survit à l’ogre chinois, le Congo pourra survivre. Si Taïwan cède, le Congo finira aussi par céder. Si le Japon cède, le Congo cédera. Nous devons être à l’avant-garde de ces combats, non seulement pour exister de manière stratégique, mais aussi pour la sécurité de nos frontières et de nos approvisionnements. Il nous faut des alliés.

L’axe Kinshasa – Brazzaville – Pointe-Noire est le corridor stratégique du XXIème siècle. Notre idée forte est d’imposer un rapport de force en ouvrant le débat.

Pensez-vous que le bénéfice que le Congo pourrait éventuellement tirer d’une coopération avec Taïwan serait forcément supérieur à celui qu’il tire actuellement de sa coopération avec la Chine ?

AG : Quel bénéfice tirons-nous de cette coopération ? En gros, c’est une dette de près de 9 milliards de dollars et des infrastructures si mal construites qu’elles sont en train de s’enfoncer dans le sol et, pour certaines, de glisser vers le fleuve. Je ne suis pas certain que, en raison de nos choix, la Chine soit amenée à réagir brutalement et à aller jusqu’à rompre ses relations diplomatiques avec le Congo. L’axe Kinshasa – Brazzaville – Pointe-Noire est le corridor stratégique du XXIème siècle. Notre idée forte est d’imposer un rapport de force en ouvrant le débat.

On oublie un peu vite que le miracle chinois dont on parle à Shangaï et à Guangzhou est d’abord le miracle taïwanais qui, lui-même, dérive du miracle japonais.

Le Congo, avec ses petits bras musclés, peut-il faire plier l’ogre chinois ?

AG : Seul, il ne peut pas. Sous ma présidence, je souhaiterais que Tokyo ouvre une ambassade à Brazzaville et je travaillerais à l’accord sur l’Atlantique Sud pour qu’Argentins, Uruguayens et Brésiliens puissent venir travailler, investir et échanger librement avec nous. Taïwan a un problème de main d’œuvre dû au fait qu’il n’a plus accès facilement à la Chine continentale. Taïwan, qui a une véritable maîtrise technologique, cherche un substitut à la Chine. On oublie un peu vite que le miracle chinois dont on parle à Shangaï et à Guangzhou est d’abord le miracle taïwanais qui, lui-même, dérive du miracle japonais. Ce sont, pour l’essentiel, des financements japonais qui ont fait de la Chine ce qu’elle est devenue. Les transferts de technologies ont été effectués par le Japon, un pays qui veut s’ouvrir. Et nous espérons être les premiers à bénéficier de cette ouverture, en mode pilote. Le Japon, qui a ses propres problèmes démographiques, n’est pas dans une attitude d’avaler les autres. Il est plutôt dans une logique de containment : Tokyo ne veut pas que les principaux métaux stratégiques du XXIème siècle soient sous la propriété d’un seul pays. Nous pouvons trouver un terrain d’entente. Nous avons deux parrains connus, le Canada et les Etats-Unis, qui ont intérêt – surtout pour ce qui est du Canada – à se tourner vers de nouvelles régions, en vue d’arrêter une certaine forme de monopole de la France sur une zone où ils peuvent légitimement s’installer. Nous aspirons à un rééquilibrage des forces.

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