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lundi 29 avril 2024
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Congo-B. Brice Massamba parie sur le cinéma 

À l’ère du numérique, les modes de consommation de films ont changé partout dans le monde. Le Congo-Brazzaville n’est pas en reste. Au fil des années, le nombre de salles de cinéma a sensiblement baissé dans ce pays connu pour son dynamisme culturel. Dans cet environnement particulièrement difficile, où le public se détourne des salles obscures, Brice Massamba a toutefois choisi de se lancer dans le cinéma et parie sur le renouveau du 7ème art. Parcours d’un ancien rappeur devenu un cinéaste qui tente péniblement de s’imposer, avec les moyens du bord.

Brice Massamba, communément appelé Brice 1, s’est lancé dans le 7ème art en 2016, après s’être essayé au rap aux États-Unis où il a passé une partie de son enfance et au Congo.

De la musique au cinéma

« J’étais chanteur-compositeur. J’évoluais en solo, même si j’avais, de temps à autre, un accompagnateur. J’ai fait des concerts un peu partout : au Centre culturel français, au CEFRAD, au cinéma Vogue, à l’ENA… », se souvient-il.

« Le rap, le genre musical que je faisais, n’est pas trop valorisé ici. »

Ce natif de Brazzaville est arrivé au pays de l’Oncle Sam à l’âge de 7 ans. Son père, bénéficiaire d’une bourse d’études, devait y préparer sa thèse de doctorat. La famille s’installe alors à Gainesville, en Floride, où Brice Massamba s’adapte, tant bien que mal, à la vie à l’américaine. Dans cette Amérique de Ronald Reagan, le jeune Brazzavillois rêve secrètement de s’épanouir et de réaliser son rêve américain. 

Pourquoi, après son retour au Congo, a-t-il abandonné la musique pour embrasser le cinéma ? « Le rap, le genre musical que je faisais, n’est pas très valorisé ici. Je prends de l’âge et je me suis dit que faire du cinéma serait une façon, pour moi, de changer le monde, d’une manière ou d’une autre. À travers le cinéma, je pensais pouvoir faire passer des messages. »

Brice 1 exerce plusieurs métiers du cinéma, dans un environnement particulièrement difficile, où les salles obscures se sont réduites comme peau de chagrin.

Aujourd’hui acteur, metteur en scène, scénariste, réalisateur, etc., Brice 1 exerce plusieurs métiers du cinéma, dans un environnement particulièrement difficile, où les salles obscures se sont réduites comme peau de chagrin. La situation est d’autant plus compliquée que le grand public s’est détourné des salles de cinéma. Nombre de ces lieux ont, l’un après l’autre, fermé ces dernières années, dans cette capitale surnommée affectueusement Brazza-la-Verte et connue pour sa créativité culturelle.

Amour impossible

Brice 1 a joué dans des films à petit budget qu’il a lui-même réalisés et qui ont coûté, chacun,  entre 3 000 000 et 7 000 000 FCFA. Ces productions ont été financées sur sa propre cassette, au prix de mille et un sacrifices. Le point de départ de son aventure dans l’univers cinématographique est « Amour Impossible ». C’est l’histoire de la fille d’un général qui tombe amoureuse d’un rappeur. Il s’agit en quelque sorte d’un autoportrait, car le rappeur en question n’est autre que l’acteur lui-même. Ensuite, Brice 1 a travaillé sur « Deux flics à Brazza », un film d’action qui a reçu un bon accueil du public.

L’argent semble occuper une place de plus en plus centrale dans le quotidien des jeunes citadins.

Brice 1 s’inspire surtout des faits sociaux : violences urbaines, montée relative de la criminalité, pauvreté, etc. Des thèmes plus « légers » lui parlent aussi. C’est ainsi qu’il a réalisé « Amour à la Congolaise », après avoir observé la vie d’un certain nombre de jeunes couples congolais. La force des réseaux sociaux fait que les jeunes générations ne vivent plus leur vie sentimentale de la même manière que leurs aînés. L’argent semble occuper une place de plus en plus centrale dans le quotidien des jeunes citadins. Le réalisateur, qui cherche à toucher un plus large public, est conscient de la nécessité de diversifier ses scénarios. Dans « Peur sur Brazza », Brice 1 campe un caïd qui terrorise Brazzaville. Ce personnage a recours à des fétiches pour ses protéger des balles de la police qui s’est lancée à ses trousses. Même si les images, manifestement tournées avec des caméras de qualité moyenne, sont perfectibles, ce film a le mérite d’exister et de raconter une histoire qui colle aux réalités locales. Brazzaville fait face au phénomène « Bébés noirs ». Il s’agit de bandes de criminels et de voyous qui bravent les forces de l’ordre. Le scénario de sa prochaine production est déjà bouclé. Dans « Monsieur le Président », dont le tournage commence sous peu à Brazzaville, Brice 1 se glisse dans les habits du président de la République.

Sources d’inspiration hollywoodiennes

Ses sources d’inspiration incluent Will Smith, un ancien rappeur devenu l’une des icônes de Hollywood. Brice 1 a voulu l’imiter après avoir regardé « Le Prince de Bel Air », une comédie dans laquelle l’acteur américain a joué le rôle principal. Si Will Smith, acteur, scénariste et producteur américain, lui a donné l’envie de se lancer dans le cinéma, Sylvester Stallone, qui excelle dans des films d’action, est également l’une de ses idoles. 

« J’ai un contrat de diffusion avec la chaîne de télévision privée DRTV »

Vivre de son travail

Brice 1 ne perd pas pied dans l’adversité. Il est convaincu que la voie difficile qu’il a choisie depuis 6 ans débouchera sur un chemin radieux et finira par payer. Pour l’heure, l’homme vit tant bien que mal de son travail, mais il lui faut une dose d’ingéniosité pour vendre ses films, sous forme de DVD, au prix unitaire de 2 000 FCFA, dans des bars, des restaurants, des supermarchés et autres lieux publics, à une époque où le DVD est paradoxalement en net recul et où les modes de consommation de films connaissent de profondes mutations. Dans un pays où les réseaux de distribution sont quasiment inexistants, rien n’est facile.

« Depuis que je fais du cinéma, aucun de mes films n’a été projeté en salle. Je vends des DVD de mes productions. En procédant ainsi, j’ai quand même pu me faire un nom et m’imposer dans cet univers impitoyable. Je peux me réjouir, car je fais aujourd’hui partie des rares acteurs de cinéma qui se sont imposés dans cette ville. J’ai un contrat de diffusion avec la chaîne de télévision privée DRTV. Cette chaîne a diffusé ‘‘Amour impossible’’, ‘‘Deux flics à Brazza’’ et ‘‘Police à Brazzaville’’ », explique Brice 1.

« Ces chaînes m’ont toutefois conseillé de faire des séries, parce que la série permet d’être tout le temps à la télé. Et elle capte plus l’attention du téléspectateur. On peut ainsi programmer les épisodes d’une série pendant deux-trois mois. Cela donne plus de visibilité au produit, me semble-t-il. J’envisage aussi d’explorer d’autres pistes, notamment avec la chaîne nationale, Télé Congo », souligne-t-il.

« Le manque de producteurs et de mécènes constitue un grand handicap pour nous »

Brice 1 est bien conscient des difficultés qui contrarient la carrière qu’il veut bâtir posément, dans la durée. « Le manque de producteurs et de mécènes constitue un grand handicap pour nous», déplore-t-il.

Pour une plus forte implication de l’État dans le secteur du cinéma

Brice 1 plaide en faveur d’une plus forte implication de l’État dans la construction d’infrastructures culturelles. Sachant toutefois que l’État ne peut pas tout faire, il en appelle également à des investissements privés dans des projets culturels.

Malgré les difficultés du moment, l’intérêt de nombreux jeunes congolais pour les métiers du cinéma ne semble pas faiblir. Pour preuve, sur les sites de tournage, Brice 1 est fréquemment abordé par de nombreux jeunes qui rêvent de lui emboîter le pas.

« Je m’appuierai un jour sur des plateformes comme Netflix, Disney, Amazon Prime, etc. C’est une piste à explorer car je compte aller loin dans le cinéma, passer sur de grandes chaînes de télévision »

Où le scénariste congolais se voit-il dans dix ans ? « Je ferai beaucoup de projections pour gagner une plus grande confiance du public. J’ai une vision mondiale. Je m’appuierai un jour sur des plateformes comme Netflix, Disney, Amazon Prime, etc. C’est une piste à explorer, car je compte aller loin dans le cinéma et passer sur de grandes chaînes de télévision. Je me vois réussir dans le cinéma. Je suis sûr que dans 10 ans, je me serai déjà mis à l’abri financièrement », révèle-t-il.  

Lorsqu’il quitte les sites de tournage et lorsqu’il ne supervise pas le montage, il lit pour s’aérer l’esprit. Il est éclectique sur le plan littéraire : histoires d’amour, essais sur la finance, ouvrages sur la politique… Il dévore tout ce qui lui tombe sous la main. Ces derniers mois, il suit de près l’évolution de la guerre déclenchée en Ukraine par Vladimir Poutine le 24 février 2022. Va-t-il en tirer un scénario ?

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