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samedi 27 juillet 2024
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Congo-GTC. Palmier à huile 100% savane et éco-responsable

C’est en 2013 que les frères Djombo lancent un projet de palmier à huile en zone de savane. Une première au Congo-Brazzaville, qui fait de GTC, leur entreprise, le pionnier en matière de palmeraie 100 % savane et éco-responsable.

Ciel gris, brume bleutée, petit vent frais, presque froid – un vrai temps de saison sèche – nous voici au Complexe agro-pastoral et forestier (Capfor), un domaine de 1280 hectares dont 600 ha mis en cultures, situé à Ngatsu (district d’Ignié), dans le nord-est du Pool, à une bonne heure de route de Brazzaville.

Juché sur le plateau de Mbé, à environ 600 mètres d’altitude, non loin de la zone industrielle de Maloukou-Tréchot et du fleuve Congo, le Capfor, qui emploie une cinquantaine de personnes en permanence, abrite les activités agricoles, forestières et pastorales de General Trading Company (GTC), l’entreprise créée en 2012 par Michel et Arnaud Djombo, frères et co-associés.

Les frères Djombo @MDMM

Pari sur le palmier à huile

C’est décidé. Ils feront de l’huile de palme de qualité, destinée au Congo et à la sous-région.

À peine un an après sa création, GTC, qui s’était d’abord lancé dans l’informatique, change de cap, pour se consacrer à l’agriculture. Pas n’importe laquelle ! La société opte pour la culture du palmier à huile en zone de savane. Une première au Congo. Plusieurs raisons à ce choix. Primo, le déficit du Congo en produits agricoles, notamment en huile de palme, une carence qui affecte tous les pays de la sous-région. Secundo : l’énorme potentiel d’une culture phare du pays, largement étudiée. « Contrairement au maïs et au blé, qui demandent beaucoup d’engrais, le palmier à huile en exige peu. L’arbre qui est rustique arrive à résister en zone de savanes », indique Michel Djombo. Après un an de réflexion et d’études sur la dynamique agricole mondiale et celle du Congo ainsi que plusieurs visites de plantations dans divers pays, les deux frères sont convaincus du bien fondé de leur projet. C’est décidé. Ils feront de l’huile de palme de qualité, destinée au Congo et à la sous-région.

De bons rendements

Le projet prend forme en 2013 dans le domaine familial de Ngatsu, où leur père, Henri Djombo, alors ministre de l’Économie forestière, qui prêchait l’arrêt de la déforestation, avait fait planter à titre expérimental, une petite palmeraie pour tester la culture en milieu savanicole. Les fils prennent le relais. Avec l’ambition de développer une véritable activité. De 40 ha en 2013, la palmeraie s’étend en 2019 sur 450 ha, dont 80 ha en production. Les premiers résultats sont encourageants. « Chaque palmier produit entre 12 et 16 régimes. Pour les 40 ha en pleine production, le rendement est de 12 tonnes de régimes à l’hectare, soit 480 tonnes par an. Le taux d’extraction est de 21 à 23 % par régime » souligne Michel Djombo.

« Pour les 40 ha en pleine production, le rendement est de 12 tonnes de régimes à l’hectare, soit 480 tonnes par an. Le taux d’extraction est de 21 à 23 % par régime « 

L’extraction d’huile est réalisée sur place dans une unité artisanale. Fin 2019, la production d’huile rouge de GTC atteindra 200 tonnes. Pour monter progressivement en puissance : 400 tonnes en 2020 et 900 tonnes en 2022. « Pour un hectare de plantation en pleine production, on obtient 12 tonnes de régimes, soit 2,6 tonnes d’huile par an ». En forêt, le rendement serait certes plus élevé, de l’ordre de 15 tonnes de régimes et de 3,5 tonnes d’huile à l’hectare. Mais l’impact logistique y est plus négatif en terme de coût de transport pour acheminer les intrants depuis le port maritime de Pointe-Noire jusqu’aux plantations et écouler l’huile vers les zones de consommation, situées entre 1000 km et 1200 km plus au sud. Sans compter les coûts de déforestation et d’entretien d’une plantation en zone forestière, sans cesse menacée d’être envahie par une végétation luxuriante. Déforestation, émission de CO2 liée au transport… l’addition est également salée au plan environnemental.

Une plantation éco-responsable et bio

Outre une palmeraie 100% savane dont l’impact positif sur l’environnement n’est plus à démontrer, GTC fait preuve d’une pratique éco-responsable. Tout y est bio. Les arbustes cohabitent avec les palmiers car tous ne sont pas dessouchés et les déchets organiques sont recyclés. « On a amélioré les techniques de récolte, ce qui a permis d’augmenter les rendements. Pour amender les sols sablonneux, pauvres en matières organiques, et éviter l’enherbement, on utilise des bio-herbicides et des bio-fertilisants, comme le mucuna, une légumineuse, ainsi que les rafles, riches en potassium, et les fibres issues de la presse à huile que l’on transforme en compost. C’est une économie circulaire », insiste Michel.

Un savon estampillé Bosco

Excepté une petite quantité d’huile rouge, qui est vendue en bidon de 25 litres à des savonniers et des fermes d’élevage pour fabriquer de l’aliment de bétail, l’essentiel de la production d’huile à laquelle est ajoutée un peu d’huile de palmiste est transformée sur place en savon, estampillé Bosco (Bon savon du Congo). Soit quelque 500 kg de savons ou 5 000 savons/jour, qui sont écoulés à Brazzaville et à Pointe-Noire. La clientèle ? Des supérettes, des échoppes de commerçants ouest-Africains et les boutiques des stations-service de Total. Le marché du savon est très porteur. Les besoins du Congo, estimés à environ 20 000 tonnes par an, sont en grande partie couverts par les importations. Bientôt, GTC mettra sur le marché des savons parfumés à l’huile essentielle d’eucalyptus citronné, extraite des eucalyptus de Capfor.

l’essentiel de la production d’huile à laquelle est ajoutée un peu d’huile de palmiste est transformée sur place en savon, estampillé Bosco (Bon savon du Congo)

Forêts plantées

Le domaine compte, en effet, une centaine d’hectares de forêts, dont 80 hectares d’eucalyptus urograndis et de PF1 (80 ha) et 10 ha d’eucalyptus citriodora, le reste se répartissant entre les pins et les acacias. À la clef, trois débouchés : la production de poteaux pour des clôtures notamment, d’huile essentielle d’eucalyptus citronné et de charbon de bois, un produit qui concourt à préserver la forêt naturelle. « Un sac de charbon de bois mis sur le marché, c’est de la forêt non détruite », martèle Michel. L’installation qui comprend trois cuves, permet de fabriquer environ 10 tonnes de charbon de bois. Une production certes « anecdotique, car on ne veut pas aller plus vite que le planting », mais un produit très apprécié des clients, car « il n’est pas friable et ne fait pas de poussière ».

Cheptel bovin et ananeraie

Un cheptel bovin de 51 têtes et une ananeraie de 10 000 pieds d’ananas complètent la panoplie de Capfor. Le troupeau se compose de ndamas, une race locale, de goudalis, nom qui signifie « à cornes et pattes courtes » en langue haoussa, et trois zébus. L’élevage bovin participe de l’économie circulaire, les excréments étant récupérés pour fabriquer de l’engrais organique. Mieux. « On envoie les bovins dans les palmeraies pour les nettoyer. C’est une sorte de main d’œuvre additionnelle ». L’objectif est de vendre la viande, quand le troupeau aura atteint au moins 100 têtes. Les ananas sont les seules cultures à cycle court réalisées sur le domaine. GTC a, en effet, arrêté les cultures maraîchères, le maïs, la papaye et la pastèque, qui demandaient plus d’intrants que le palmier sans compter  les risques de maladies qui sont plus élevés.

Le cheptel bovin de GTC-Capfor @MDMM

Structurer une filière

Dans un premier temps, GTC « a préféré investir dans l’extension des surfaces cultivées plutôt que dans l’achat de matériel ultramoderne. À terme, on vise à porter la superficie de la palmeraie à 1300 ha d’ici 3 ans », indique Michel Djombo. L’objectif final est de structurer une filière intégrée, depuis la production jusqu’à la commercialisation en passant par le transport et la transformation. Et outre l’huile rouge et raffinée et les savons, de développer d’autres produits dérivés, comme les bidons et les bouteilles d’huile. Plusieurs conditions à cette ambition. Primo : installer une unité industrielle d’extraction d’huile de palme d’une capacité de 40 tonnes/heure et une grande savonnerie ultra moderne. Mais pour rentabiliser ces investissements, il faut davantage de matière première. D’où la nécessité d’atteindre une superficie de 5 000 ha de palmiers. Loin de vouloir faire cavalier seul, c’est avec les petits agriculteurs locaux et des PME agricoles installées dans la zone que GTC entend atteindre cet objectif. Encore faut-il amener les premiers à s’intéresser au palmier à huile, une culture qu’ils méconnaissent, et convaincre les seconds à se reconvertir dans la filière.

L’objectif final est de structurer une filière intégrée, depuis la production jusqu’à la commercialisation en passant par le transport et la transformation

Premiers pas vers des partenariats

La concrétisation de ce projet passe d’abord par le regroupement des petits cultivateurs en coopératives, la condition pour sceller un partenariat avec GTC. « Une fois que la coopérative est formée, on met à sa disposition des terres et du matériel agricole. En échange, on évacue ses productions », indique Michel. Cette opération a débuté avec la mise en place de coopératives faisant de l’agriculture et du maraîchage. Dans la foulée, une première initiation à  la palmeraie et à l’usage d’engrais naturels a été engagée. Dans une seconde phase, GTC incitera ces petits cultivateurs à investir dans le palmier en leur distribuant des plants. La même démarche contractuelle sera appliquée : signature d’un contrat entre GTC et les coopératives qui reverseront leur production à GTC. D’autres schémas sont à l’étude dont la conclusion de joint-ventures.

Financement, le parcours du combattant

Jusqu’à présent, l’accompagnement des banques locales faisant défaut, Michel Djombo a investi plusieurs centaines de millions de francs CFA sur fonds propres. Mais pour aller plus loin, il a besoin de mobiliser des financements extérieurs. Ce qui relève du parcours de combattant. La raison ? « On manque de compétences en matière d’analyse risque dans le secteur agricole au Congo. Les banques ne savent pas comment évolue et fonctionne ce secteur. Elles n’ont pas de base de décision pour l’accompagner ».

Labellisation version savane de l’huile de palme durable

Une palmeraie 100% savane et éco-responsable. @DR

Sans attendre que le Capfor et ses environs ne deviennent un pôle majeur de la culture du palmier à huile 100% savane au Congo, les patrons de GTC planchent avec des ONG comme Rainforest Alliance et World Resources Institute sur deux projets de nouvelles labellisations.

les patrons de GTC planchent avec des ONG comme Rainforest Alliance et World Resources Institute sur deux projets de nouvelles labellisations

L’un porte sur la création d’un label « huile de palme durable produite en savane », qui vise le grand public. L’autre concerne l’élaboration d’une version savane, voire Afrique centrale, du Roundtable on sustainable palm oil (RSPO). Le RSPO indique que des critères de protection de l’environnement sont respectés pour la production d’huile de palme et atteste que les opérateurs qui achètent de l’huile de palme certifiée RSPO ou des produits dérivés font partie de la chaîne d’approvisionnement d’huile de palme durable certifiée RSPO. La première entreprise certifiée RSPO savane pourrait être GTC.

Capfor / GTC/Capfor en chiffres

  • 1 280 hectares dont 600 hectares mis en culture
  • Environ 50 employés permanents
  • 110 personnes sur la base vie.
  • 32 km de pistes entretenues

> Superficie Palmeraie : 450 ha

  • 80 ha en production dont 40 ha en pleine production.

> Rendement Régimes Palmier à Huile

  • 12 tonnes de régime/ha pour les 40 ha en pleine production, soit 480 tonnes / an,
  • 4 tonnes/ha pour les 40 ha en début de production, soit 33 tonnes/an

> Production d’huile de palme :

  • Taux d’extraction d’huile : 21 % à 23 % des régimes (entre 210 et 230 litres par tonne de régime)
  • 12 tonnes de régimes, soit 2,6 tonnes d’huile par ha (en forêt 3,5 tonnes par ha)

> Production de savon :

  • 500 kg/jour, soit 5000 savons/jour

> Ananas :

  • 10 000 pieds.

> Forêts : 100 ha

  • Pin : 5 ha
  • Acacia : 5 ha
  • Eucalyptus urograndis + PF1 (80 ha)
  • Eucalyptus citriodora (10 ha) 

> Charbon de bois :

  • Production : 10 tonnes/mois

> Elevage bovin

  • 51 têtes (ndama, goudali, zébu)
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