Du pinceau d’artiste peintre au clavier d’ordinateur, le fossé n’est pas aussi grand qu’on l’imagine. Du moins pour Gédéon Mukendi, un diplômé en arts plastiques devenu webmaster, designer, vidéo-photographe et graphiste.
Son parcours semble atypique, mais, en réalité, il ressemble à celui de bien des jeunes Africains. Certes Gédéon Mukendi a fait des études supérieures, ce qui en fait un privilégié. Mais c’est à force de volonté, de ténacité, de débrouillardise et grâce à Internet, notamment à Youtube, qu’il a largement utilisé pour s’informer et se former, qu’il a pu devenir un webmaster-designer-graphiste recherché sur la place de Brazzaville.
Passionné d’arts plastiques
Gédéon Mukendi voit le jour le 6 mars 1990, à Mbuji-Mayi, la capitale du diamant de la RD Congo, où son enfance a été bercée par les sons cristallins du madimba, sorte de xylophone local aux formes très artistiques, et marquée par la saveur sucrée du bukula, un foufou de farine de maïs typique de la gastronomie des Lubas, l’ethnie majoritaire des provinces du Kasaï.
Enfant et adolescent, Gédéon aimait déjà dessiner. « Je divisais mes cahiers en deux parties. En haut, je notais mes cours de français ou de mathématiques, et en bas, je faisais des croquis, je dessinais des personnages et j’inventais des histoires. J’ai été influencé par Son Goku, un personnage de bande dessinée », se souvient Gédéon, le regard brillant.
Fils d’un artisan, un tantinet artiste, « qui reproduisait tout ce qu’on lui demandait », il passe un bac C, option mécanique générale. Fier du succès de son fils à l’Exetat (examen d’État), son père le destine à une carrière d’ingénieur. Mais Gédéon veut faire des études d’art plastique. Il devra aux talents de persuasion de son grand-père, d’échapper au destin tracé par son paternel. Après quelques palabres, père et grand-père tombent d’accord. Gédéon ira étudier les arts plastiques à la célèbre Académie des Beaux-Arts de Kinshasa qu’il rejoint en 2009. La grande aventure commence. Peinture, dessin, sculpture, il plonge dans l’univers des couleurs et des formes qui l’imprègnent encore aujourd’hui.
Premiers pas dans l’informatique et Internet
En 2010, comme toutes les villes du monde, la capitale de la RD Congo vit à l’heure d’Internet et de l’informatique. Pas encore de smartphones, de PC et de Mac dernière génération, mais des cybercafés et des magasins de matériels informatiques et électroniques un peu partout, surtout à Bon marché, le quartier commercial par excellence sis dans la commune de Barumbu, où habite Gédéon. C’est auprès de « Chico, qui savait tout réparer, des imprimantes aux ordinateurs », que Gédéon se familiarise avec l’informatique. Cerise sur le gâteau, on lui installe photoshop sur son ordinateur. Il apprendra plus tard, la photo, « un prolongement du dessin », affirme-t-il.
Gédéon devient ensuite un habitué d’un cybercafé tenu par un Congolais, situé au croisement des avenues Kabambare et Wangata, dans la commune de Kinshasa. « Dès que j’avais besoin d’informations et d’explications techniques, je consultais le gérant du cyber. C’est lui qui m’a expliqué comment surfer sur Internet. J’y ai découvert Youtube et visionné des vidéos qui m’ont permis de m’instruire et de me perfectionner ».
Se former sur Internet
Futé, il arrive à obtenir auprès d’un vigile du consulat du Sénégal, situé au quartier Bon Marché, le mot de passe du réseau Internet du consulat. Le voilà donc branché, jour et nuit, sur le web. Il y apprend les subtilités de Photoshop, notamment comment « faire des montages, habiller une photo, mettre un cadre autour d’un personnage, changer un arrière plan ». Un moyen de gagner un peu d’argent, en « faisant des affiches pour des églises et des montages de photos pour des amis ».
Des boulots qui vont lui permettre de financer des cours à distance sur Internet. Il apprendra comment faire la programmation de sites web, ajoutant ainsi, à son diplôme d’art plastique, qu’il obtient en 2013, des formations certifiantes qui lui permettent d’être reconnu à l’international. « J’ai passé un certificat de webmaster, sur la plateforme Eduonix.com et j’ai eu la certification de l’éditeur Adobe pour le métier de graphiste. Je peux donc ouvrir un centre et dispenser des formations ».
Installation à Brazzaville
Les petits boulots s’enchaînent, comme la saisie de fiches à la Commission électorale. Puis Gédéon décide de s’installer à Brazzaville où il débarque le 5 décembre 2014. « C’est l’aventure qui m’a poussé à aller à Brazza. Mais je savais aussi qu’il y avait plus d’opportunités qu’à Kinshasa et que les graphistes y étaient très recherchés ». À peine arrivé dans la capitale du Congo, il gère un magasin de bureautique, non loin de l’Eglise de réveil Papa Isaïe, à deux pas de l’ambassade de RD Congo, qui faisait notamment des impressions, de la mise en page et de la conception graphique. De bouche à oreille, il obtient des petits marchés et tisse un réseau relationnel notamment via l’agence Smart Power.
Plus tard, il crée le logo de la fondation Ikia-Sassou, dont il intégrera par la suite l’agence de production audiovisuelle de sa présidente. C’est ainsi qu’il monte d’un cran en ajoutant à l’arc de ses compétences, outre le webmastering et le graphisme, la photo, la production audiovisuelle (réalisation de documentaires, d’émissions télévisées, etc.) ainsi que la couverture et le design d’évènements, dont celui des Jeux africains de 2015. Des savoir-faire où il peut mettre en avant ses talents d’artiste.
Webmaster, graphiste, designer, photographe…
De tous les blogs et sites web qu’il a créés, c’est un site dédié à l’information qui lui a donné le plus de satisfaction. « Contrairement à un site d’entreprise qui est très simple, un site media en ligne est plus complexe. C’est donc plus passionnant sur le plan technique, avec la mise en page et les mots clefs, et sur le plan visuel car la photo y prend plus d’importance », assure Gédéon.
Webmaster, directeur artistique, graphiste, designer, photographe… Gédéon, qui maîtrise les quatre langues nationales de la RD Congo, en plus du français et de l’anglais, ne sait pas comment se définir. À l’évidence, il est tout cela à la fois.