24.5 C
Kinshasa
samedi 27 juillet 2024
AccueilPaysAfrique centraleGabon. La Semaine africaine du climat s’achève sur une note d’optimisme

Gabon. La Semaine africaine du climat s’achève sur une note d’optimisme

La Semaine africaine du climat organisée à Libreville en vue de la Cop 27 prévue en novembre 2022, dans la ville balnéaire de Charm el-Cheick, en Egypte, s’est clôturée le 2 septembre. Même si les travaux n’ont pas donné lieu à une déclaration commune, un vent d’optimisme a soufflé sur la capitale gabonaise.

Au total, plus de 2300 personnes (ministres, organisations multilatérales, secteur privé et société civile) ont pris part physiquement aux travaux de Libreville. A ces participants s’ajoutent d’autres qui ont choisi d’intervenir par visioconférence.

Au centre des discussions : quelles stratégies l’Afrique doit-elle mettre en place pour lutter efficacement contre la hausse moyenne de la température globale, sans pour autant pénaliser son économie ?  

Les pays africains, comme le reste du monde, savent que si rien n’est fait maintenant, la situation risque d’empirer. Les catastrophes liées à ce phénomène, qui se multiplient un peu partout dans le monde, ne feront que s’amplifier dans les semaines et les mois à venir. Mais pour beaucoup d’États, agir, dans ce contexte, signifie, entre autres, changer de modèle économique et de modes de production. Qui est prêt à sauter le pas ?  

« Un autre rendez-vous a été pris à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, en octobre 2022 »

Si les travaux de Libreville n’ont pas donné lieu à une déclaration commune, un autre rendez-vous a toutefois été pris à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), en octobre 2022. La rencontre de Kinshasa, qui se tiendra sous l’égide des Nations Unies, s’inscrira ainsi dans le prolongement de celle de Libreville considérée comme une étape importante vers l’harmonisation des positions des pays du continent qui sont, pour l’essentiel, confrontés à des problématiques similaires. La RDC, qui se positionne comme un « pays solution », se saisira de cette occasion pour réaffirmer un peu plus le leadership qu’elle prétend assumer dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

Cérémonie de clôture de la Semaine africaine du climat à Libreville @MDMM

Un vent d’optimisme

Dans l’ensemble, les travaux de Libreville, qui se sont déroulés dans un climat serein, ont suscité un immense espoir. Lee White, le ministre gabonais des eaux, de la forêt, de la mer et de l’environnement, s’est montré résolument positif :« Ici à Libreville, nous avons vraiment vu le puissant potentiel de la collaboration régionale pour créer des réponses crédibles et durables au changement climatique. Alors que nous nous dirigeons vers la COP 27 à Charm el-Cheikh, en Égypte, dans quelques semaines seulement, la collaboration régionale doit être plus forte que jamais. La COP 27 doit être la COP de mise en œuvre, où nous montrerons comment l’Accord de Paris sera réalisé par le biais de politiques et de programmes, par l’innovation et la transformation » a-t-il déclaré.

« Nous sommes mieux outillés maintenant, après cette semaine, pour aller à cette COP d’action… L’Afrique a des solutions »

 « La COP 27 doit être une COP d’action. Je pense que nous sommes mieux outillés maintenant, après cette semaine, pour aller à cette COP d’action… L’Afrique a des solutions. Des solutions de sagesse africaine. Et c’est à nous de porter ces solutions au monde, plutôt que d’attendre que le monde nous apporte des solutions. Nous ne sommes pas des spectateurs. Nous devons avoir un rôle actif. Ensemble, nous devons porter les voix de l’Afrique à la COP 27. Nous devons mettre la pression sur les pays du G20 et parvenir à une justice climatique », a précisé Lee White.

Lire aussi : Gabon : les pays africains en concertation en prélude à la COP 27. https://www.makanisi.org/gabon-les-pays-africains-en-concertation-en-prelude-a-la-cop-27/

Une urgence planétaire

Pour le ministre, les solutions au changement climatique consistent à minimiser les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine anthropique, dont le dioxyde de carbone (CO2), en mettant en œuvre des projets basés sur la nature, qui n’émettent pas de CO2, mais permettent au contraire d’en absorber, afin d’inverser progressivement la tendance. « Sans vouloir donner des leçons aux autres, le Gabon est, sur ce plan, très en avance, grâce à cinq décennies de gouvernance renforcée de nos ressources naturelles. On peut partager cette expérience avec d’autres pays. Mais ce sont les pays qui ont créé le problème, qui doivent nous apporter leur soutien et financer l’adaptation climatique en Afrique, sinon les dégâts climatiques que nos pays mais également tous les autres pays subissent, iront en s’empirant. Il faut traiter les problèmes climatiques, comme une urgence planétaire », a martelé le ministre White.

« Il faut traiter les problèmes climatiques, comme une urgence planétaire »

La jeunesse en première ligne

La jeunesse africaine n’est pas en reste du processus. Cette jeunesse, qui prend conscience qu’elle héritera d’une planète « abîmée », si on n’y prend garde, tente de s’approprier les enjeux liés au réchauffement de la planète. Elle a pris une part active à ces travaux, tout en formulant le vœu de se voir associée aux réflexions. L’une des figures marquantes de cette jeunesse, Claudia Ondo, s’est exprimée en ces termes : « Tous ces jeunes vont repartir dans l’ombre. Tous ces jeunes vont retourner dans leurs initiatives, dans leurs pays, dans leur monde… Et, pour la plupart, sans soutien de leur communauté et sans support de leurs dirigeants. Nous sommes là et prêts à nous engager. Nous pouvons accomplir bien plus que porter des tee-shirts et distribuer des flyers. Certains d’entre nous viennent des quartiers difficiles, mais nous avons tous la volonté et la capacité d’agir et de contribuer à la lutte contre le changement climatique ».

« Je sais que l’agriculture est responsable d’une grande partie des émissions de gaz à effet de serre qui polluent l’air et qui représentent 70 % de la consommation humaine d’eau douce »

Claudia Ondo. @MDMM

Claudia Ondo, qui a fait des études de sciences politiques, a choisi de se lancer dans l’agriculture, en raison de son engagement en faveur de la lutte contre le réchauffement de la planète. Elle est devenue la propriétaire de la Ferme Urbaine Okoumé, à Libreville.

« Mes diplômes, je les ai rangés pour me mettre à la terre, parce que je connais l’impact de l’agriculture industrielle sur la planète. Je connais l’impact de l’agriculture industrielle sur notre écosystème, parce que je sais que l’agriculture industrielle est responsable d’une grande partie des émissions de gaz à effet de serre qui polluent l’air… Et elle détruit la faune et la flore. Cela ne vous dit peut-être rien, mais tout ce que je viens de citer coûte à l’environnement plus de 3 000 milliards de dollars chaque année », a-t-elle lâché, tout en appelant à une plus forte présence de jeunes lors de négociations sur le climat. 

« La participation des jeunes doit être intégrée dans une vision holistique de la gouvernance du changement climatique pour qu’on en puisse voir les changements structurels qui sont importants ».

« La participation des jeunes doit être intégrée dans une vision holistique de la gouvernance du changement climatique pour qu’on en puisse voir les changements structurels qui sont importants. Et cela nécessite d’accepter que le pouvoir soit partagé entre les adultes et les jeunes. Cela implique aussi de nous laisser partager nos points de vue, nos récits et nos solutions pour parvenir à un avenir résilient, à une société qui est durable et neutre sur l’action climatique. Les jeunes doivent être soutenus pour s’engager dans les différentes dimensions de la gouvernance politique pour influencer la politique et les politiques en tant qu’acteurs dans les arènes délibératives de prise de décisions », a martelé la jeune militante gabonaise.

1600 milliards de dollars

Lors de cette Semaine africaine du climat, il n’y a pas eu de négociations avec les bailleurs de fonds et les pays développés, mais des discussions et des concertations entre les pays africains, entre la société civile, la jeunesse et les gouvernements. C’est lors de la COP 27 que la question des financements sera abordée, que les pays africains réclameront des financements pour le Bassin du Congo et  veilleront à ce que les promesses financières faites à Glasgow soient décaissées.

Bien évidemment, la lutte contre le réchauffement de la planète nécessite de gros moyens financiers. Même si les États africains ne sont pas dans la catégorie des principaux pollueurs, ils sont appelés à s’adapter, pour ne pas faire les frais de ce phénomène qui n’épargne aucun pays.

« Le continent aura besoin d’au moins 1600 milliards de dollars pour mettre en œuvre ses engagements dans le cadre de l’action climatique et des CDN entre 2020 et 2030 » 

Chaque État est censé se pencher sur la mise en œuvre des Contributions déterminées au niveau national (CDN) des pays et des plans nationaux jugés prioritaires. Il s’agit, pour l’Afrique, de mobiliser les financements nécessaires à la mise en œuvre de ces CDN. Ce qui n’est pas une mince affaire. En effet, une récente étude de la Banque africaine de développement (BAD) estime que le continent aura besoin d’au moins 1600 milliards de dollars pour mettre en œuvre ses engagements dans le cadre de l’action climatique et des NDC entre 2020 et 2030.

Marché du crédit-carbone

Parmi les financements disponibles pour lutter contre le réchauffement climatique, figure le marché du carbone, qui est encore embryonnaire sur le continent africain. Ce marché vise à contenir les émissions de gaz à effet de serre dont la nocivité est établie, via des quotas d’émissions, qui peuvent être échangés. Un projet de compensation carbone s’accompagne (presque) toujours d’un crédit carbone. Il s’agit de documents certifiant que quelqu’un, quelque part, a supprimé ou évité une tonne de CO2 équivalent  (tCO2e).

Tout porteur de projet de réduction ou de séquestration d’émissions de gaz à effet de serre, peut recevoir des « crédits carbone ». Chaque participant soumis au marché, doit, à la fin d’une année, restituer autant de quotas que de CO2 émis dans l’atmosphère.

« Il faut que le prix de la tonne de carbone soit réévalué et que l’Afrique ait accès aux marchés du crédit carbone »

Le développement du marché carbone en Afrique requiert notamment une meilleure connaissance des enjeux climatiques et la mise en place de normes plus pointues de calcul du crédit carbone. Pour Lee White, une réévaluation du prix de la tonne de carbone s’impose. « Il n’y a pas un prix unique. Mais généralement, le carbone généré par les pays des forêts tropicales vaut entre 5 et 10 dollars la tonne, alors qu’en Europe, il vaut 80 euros. Pourtant il s’agit de la même atmosphère et du même CO2. Pourquoi le carbone de nos forêts est-il déclassé ? Il faut que ce prix soit réévalué et que l’Afrique ait accès aux marchés du crédit carbone », a-t-il insisté.

- Advertisment -

ARTICLES LES PLUS LUS