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samedi 27 avril 2024
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LaREF, un nouvel élan pour la « francophonie économique »

Caractérisé par un marché de 540 millions de personnes, qui devrait atteindre les 750 millions en 2050, l’espace francophone économique compte pour 20 % des échanges mondiaux de marchandises, représente 16% du PIB mondial et abrite 14 % des réserves mondiales de ressources minières et énergétiques. C’est pour créer des synergies entre entrepreneurs et économies francophones, qu’a été créée l’Alliance des entrepreneurs francophones, qui comprend 29 organisations professionnelles. Évènement majeur de l’Alliance, la « Rencontres des entrepreneurs francophones » (LaREF) se tient tous les ans dans un pays différent, grâce à la contribution des organisations patronales qui composent l’Alliance.

Président de l’Union patronale et interprofessionnelle du Congo (Unicongo), Michel Djombo a participé, à Québec, du 11 au 13 juin dernier, à la 3è édition de LaREF. Il en présente les grandes lignes, les objectifs et les défis.

Propos recueillis par Muriel Devey Malu-Malu

Makanisi : Vous avez participé à la 3ème édition de la Rencontre des entrepreneurs francophones à Québec. Pouvez-vous nous présenter cet événement ?

Michel Djombo : C’est une rencontre annuelle initiée par le Mouvement des entreprises de France (Medef) qui a lancé l’Alliance des patronats francophones en 2021 à Longchamp. Outre celles de la France et du Canada, cette Alliance comprend les organisations patronales similaires à Unicongo dans l’espace francophone d’Afrique. Son champ recouvre à peu près l’espace géographique de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), élargi à des pays d’Asie du sud-est francophiles, comme le Cambodge, le Vietnam et le Laos. La REF est organisée, chaque année, de façon tournante, dans un des pays de l’Alliance.

Où s’est tenue l’édition précédente ?  

En 2022, la Rencontre s’est tenue à Abidjan (Côte d’Ivoire).  En fonction des lieux  où se tient la rencontre et de la capacité du patronat du pays d’accueil à drainer des acteurs locaux ou de son intérêt pour des pays étrangers, la typologie des acteurs évolue. À Longchamp, en 2021, la rencontre s’est tenue pendant l’université d’été du Medef, qui attire de nombreux patrons de grands groupes. Elle a également attiré une forte délégation de ministres et de grands patrons d’Afrique, comme celui du groupe agro-industriel Sifca en Côte d’Ivoire. Des deux côtés, il y avait une forte capacité de mobilisation. En Côte d’Ivoire, la rencontre a attiré des patrons qui étaient intéressés par l’export en Afrique ou des entreprises de BTP. À côté de ces grands groupes, il y avait aussi des PME qui souhaitaient s’exporter en Côte d’Ivoire et en Afrique de l’Ouest. La Côte d’Ivoire et le Ghana sont les deux pays africains les plus attractifs pour les PME. Les projets gaziers y ont un grand potentiel. Des PME congolaises qui évoluent dans le parapétrolier, espèrent se valoriser à l’étranger plutôt qu’en étant sous-traitants de sous-traitants.

Qui était présent au Québec ?

Au Québec, la rencontre a eu une dimension plus institutionnelle. En effet, cette édition m’a semblé avoir mobilisé moins de grands groupes que les éditions précédentes, mais plus de patrons de PME, venus surtout pour faire du réseautage, ainsi que des personnalités qui ont un rôle institutionnel dans leur patronat. Par ailleurs, cette 3ème édition a été marquée par le rapprochement entre l’Alliance des patronats francophones et l’OIF. Depuis plusieurs années, l’OIF tente de devenir une sorte de Commonwealth. Mais sa vocation est davantage culturelle, de défense de l’éducation et de la langue française qu’économique. Aujourd’hui, l’OIF semble vouloir se saisir de l’Alliance pour en faire son bras armé économique. Louise Mushikiwabo, la secrétaire générale de l’OIF, qui était présente à Québec, a exprimé sa satisfaction par rapport à la dynamique enclenchée par l’Alliance. Elle a laissé entendre que l’OIF lui apporterait son soutien. L’Alliance devrait d’ailleurs être associée à l’organisation du prochain Sommet de la Francophonie, qui se tiendra, en 2024, en France.

Quels sont les grands thèmes qui ont été abordés pendant cette 3ème édition ?

Quelques panels ont abordé les opportunités économiques de l’espace francophone. Les agendas de ces rencontres sont pilotés par les patronats qui nous accueillent. La Côte d’Ivoire avait « vendu » ses atouts économiques. Le Québec, pour sa part, a beaucoup insisté sur la place de la francophonie au Canada et sur les opportunités que représenterait la migration économique pour l’investissement francophone.

On a également beaucoup parlé de la transition énergétique qui est, certes, le grand sujet actuel dans le monde, mais qui n’a pas la même résonance dans des pays africains où les industries ont du mal à se connecter aux réseaux électriques nationaux, qui ne couvrent pas tout le territoire.

Lire aussi : Unicongo : un nouvel élan sous la présidence de Michel Djombo ? https://www.makanisi.org/unicongo-un-nouvel-elan-sous-la-presidence-de-michel-djombo/

Quelles décisions ont été prises ?

Cet événement n’est pas un lieu de décision mais un espace d’échanges et de rencontres où les gens tissent des liens et découvrent des opportunités d’affaires. Des entreprises présentes, qui veulent investir dans un pays, prennent contact avec des syndicats patronaux comme Unicongo, dans la perspective de faciliter leur installation localement ou pour qu’on les aide à trouver des partenaires locaux. Cela permet aux patronats de se positionner comme des interlocuteurs de choix dans leur pays et d’y attirer des investissements.

Quel modèle ou quelle culture économique spécifique la Francophonie peut-elle apporter et quels en seraient les fondements ?  

Pour les chefs d’entreprise africains qui se plaignent de la difficulté du commerce intra-africain, ce genre de rencontre et de dialogue avec les acteurs économiques et les responsables des institutions patronales permet d’identifier des partenaires dans un secteur donné, de développer des relations d’affaires et de faire du business. Même si la REF n’avait que cette utilité, ce serait déjà bien. 

Mais la REF peut également permettre aux entrepreneurs africains de communiquer autrement sur leurs pays et de parler directement avec d’autres chefs d’entreprise, notamment de PME. Les grandes entreprises étrangères ont tendance à ne pas investir dans les pays qui ont une image de mauvaise gouvernance et de climat des affaires difficile. Si elles s’y installent, c’est parce qu’elles ont des relations à haut niveau. Elles n’ont donc pas besoin des syndicats patronaux. En revanche, les PME et les PMI se tiennent à distance, de peur de perdre des plumes dans des environnements difficiles. Ainsi, la 3è édition, qui avait un contenu plus institutionnel, a permis aux patronats d’envoyer de bons messages, d’être écoutés et de se présenter comme les interlocuteurs adéquats auprès notamment des PME.

La langue française joue un rôle important dans ces échanges. Y-a-t-il aussi des leviers financiers, des savoir-faire particuliers et d’autres atouts que la Francophonie peut offrir ?

La langue est très importante pour faire du business et s’exporter. Aujourd’hui, le Congo met en avant l’agriculture. Mais il manque d’expertise. Des fermiers sud-africains, qui ont de l’expertise, s’exportent, notamment en Amérique, car l’horizon est bouché en Afrique du Sud. Ils ont un esprit d’aventure et seraient partant pour s’établir en Afrique centrale, mais la langue est une barrière, qui arrive avant bien d’autres considérations comme l’environnement des affaires. 

En revanche, un agriculteur français, qui évolue dans un environnement bien maitrisé, avec des aides et des financements, se sent à l’abri en France même si les perspectives économiques ne sont pas toujours très positives. Il n’ira donc pas s’installer en Afrique francophone. Les seuls agriculteurs français qu’on trouve en Afrique ont un tropisme africain.

Que peut faire la Francophonie pour pallier cela ?

L’OIF ne peut rien sur ce plan. Elle n’a pas les moyens et ce n’est pas sa vocation. En revanche, l’Alliance des patrons francophones organise régulièrement des évènements décentralisés pour présenter la réalité des pays. Elle doit multiplier ces évènements. Toutefois, il faut sortir ces événements des salons et des salles de conférence. Il faut trouver des formats spécifiques où les participants se déplacent dans les chambres de commerce, dans les régions et les branches régionales des patronats. Il faut également faire des missions sectorielles. En effet, faire la promotion d’un pays pendant 4 jours, avec une délégation de 100 personnes de secteurs divers, ne permet pas de faire connaître à des investisseurs appartenant à des branches d’activité très spécifiques, le potentiel qu’offre une région dans ces domaines particuliers. Cela est particulièrement vrai pour un agriculteur, si le forum a lieu dans une capitale.

Envisagez-vous la tenue d’une édition de la REF à Brazzaville ? Quel en serait l’impact pour le Congo ?

J’ai proposé que l’édition 2025 de la REF se tienne à Brazzaville. Pour le moment, nous sommes les seuls candidats. Les probabilités que cela se réalise à Brazzaville sont donc élevées. Cela permettrait de faire venir des gens au Congo et de leur montrer les opportunités que notre pays peut offrir. L’État congolais sait créer des événements, mais le secteur privé peut attirer des acteurs différents et venant de secteurs plus diversifiés. En outre, des investisseurs étrangers seraient plus enclins à participer à des évènements organisés par un patronat et leur niveau d’engagement serait plus important. Unicongo est en train de renouer le dialogue avec le secteur public, qui était au point mort depuis plusieurs années. Organiser un tel forum serait une belle opportunité pour les pouvoirs publics et aurait un impact positif sur la relation public-privé. La REF a attiré 8000 personnes à Longchamp, 1500 à Abidjan et 800 à Québec. La participation dépend de l’attrait et des facilités d’accès d’un pays mais nous sommes convaincus que nous allons mobiliser largement car nous allons en faire un événement sous-régional.

Quelle est la réalité des relations d’affaires entre les pays d’Afrique centrale ?

Elles sont difficiles et rares, voire quasiment inexistantes. Les seules relations d’affaires qui existent sont les exportations de produits agricoles du Cameroun vers ses voisins ou celles du Congo vers le Gabon. L’Angola, par exemple, est un pays frontalier du Congo, mais quasiment aucun chef d’entreprise congolais n’a de relation avec ses homologues angolais. Avec la RDC, c’est la même chose. Il y a une méfiance dans la sous-région qui vient du politique. Il faut sortir de la sous-région pour nous rencontrer.

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