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lundi 29 avril 2024
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Kiev-Moscou : une sortie de crise sous une médiation africaine ?

Se dirige-t-on vers la fin de la guerre entre l’Ukraine et la Russie ? Des dirigeants africains réussiront-ils à convaincre les parties belligérantes de trouver une issue négociée à ce conflit meurtrier qui n’est pas sans conséquences pour l’Afrique ? Quatre chefs d’État africains ont eu des entretiens séparés avec Volodymyr Zelensky à Kiev et Vladimir Poutine à Saint Pétersbourg le week-end dernier. Si, pour l’heure, cette démarche n’a pas débouché sur des avancées significatives, les dirigeants africains ne baissent pas les bras. Ils semblent être ni optimistes, ni pessimistes, mais déterminés.

Une délégation de chefs d’État africains s’est rendue à Kiev et à Saint-Pétersbourg pour tenter de mettre un terme à la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

Si les interruptions momentanées, en raison de la guerre, des exportations de céréales au départ de la mer noire ont suscité diverses réactions dans le monde, les présidents africains observent prudemment ce conflit qui se déroule sur le sol européen, loin de chez eux.

Même si ces produits agricoles ne leur sont pas destinés prioritairement, les pays africains sont affectés, d’une manière ou d’une autre, par la guerre déclenchée par Vladimir Poutine le 24 février 2022. Selon le site internet de l’ONU (www.un.org/en/black-sea-grain-initiative/vessel-movements), qui fournit des données sur les mouvements des navires qui partent de la mer noire chargés de céréales, jusqu’au 19 juin 2023, les cinq premiers pays de destination de ces cargaisons sont la Chine, l’Espagne, la Turquie, l’Italie et les Pays-Bas.

« Permettre une négociation avec la Russie maintenant, quand l’occupant est sur notre terre, signifie geler la guerre »

Zelensky méfiant, Poutine presque prêt pour le dialogue ?

À l’étape de Kiev, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s’est montré méfiant vis-à-vis de cette délégation conduite par le dirigeant sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui était accompagné de trois de ses homologues : Macky Sall (Sénégal), Azali Assoumani (Comores) et Haikande Hichilema (Zambie).

Volodymyr Zelensky, qui a poliment fermé la porte à toute négociation au moment où les forces ukrainiennes, aidées notamment par les États-Unis, des pays de l’Union européenne et l’Otan, semblent tâter le terrain, avant de lancer une contre-offensive de grande envergure pour récupérer les localités qui sont passées sous le contrôle de l’armée russe. 

Le président ukrainien soupçonne son homologue russe d’être derrière l’initiative africaine qu’il n’a pas hésité à qualifier de « tromperie ». « Permettre une négociation avec la Russie maintenant, quand l’occupant est sur notre terre, signifie geler la guerre, geler la douleur et la souffrance », a -t-il indiqué après ses entretiens avec les chefs d’État africains. Vladimir Poutine, pour sa part, s’est déclaré « prêt à un dialogue constructif », à l’issue de sa rencontre avec ses pairs africains.

Cette mission de paix historique marque une étape importante 

Au sortir de l'entretien à Kiev entre les 4 présidents africains et leur homologue ukrainien (site du président zambien)
Au sortir de l’entretien entre les 4 présidents africains et leur homologue ukrainien, à Kiev. (Photo, page Facebook du président zambien)

Les dirigeants africains ont une autre lecture

Côté africain, les choses se présentent différemment. Le président sud-africain s’est réjoui de « l’accueil positif » que la mission a reçu aussi bien en Ukraine qu’en Russie. « Nous croyons que tout devrait être fait pour mettre fin aux combats et éviter de nouvelles pertes en vies humaines, des blessés, des déplacements et des destructions », a relevé Cyril Ramaphosa.

« Cette mission de paix historique marque une étape importante, car c’est la première fois que des dirigeants africains se rendent sur le continent européen dans le but de plaider en faveur d’une résolution pacifique d’un conflit », a noté Haikande Hichilema. « Nous avons exhorté les deux pays à engager rapidement des négociations et à mettre fin aux hostilités, car l’histoire a montré qu’aucune guerre ne devrait durer indéfiniment », a-t-il ajouté.

Selon Macky Sall, un plan de sortie de crise qui comporte 10 points est sous examen. Même si son contenu intégral n’est pas connu du grand public, ce schéma prévoit, entre autres, une désescalade, la libération des prisonniers de guerre et l’ouverture, de toute urgence, des négociations. Le président sénégalais a tenu à préciser qu’il s’agissait là d’un « plan de paix sur lequel nous avons des convergences pour bâtir une démarche. »

Le président ougandais, Yoweri Museveni, n’a pas pu faire le déplacement, après avoir contracté le covid-19

Des dissensions internes

Cette délégation, qui ne parle pas au nom de l’Union africaine, ne fait pas l’unanimité sur le continent africain. Des divergences sont apparues sur cette mission de paix. C’est ainsi que le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou N’Guesso, qui devait initialement faire partie de la délégation, a proposé un report de ce voyage, pour des raisons sécuritaires. Sa proposition n’a toutefois pas été retenue. Le président ougandais, Yoweri Museveni, n’a pas pu faire le déplacement, après avoir contracté le covid-19. Le chef de l’État égyptien, le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, s’est également ravisé, après avoir promis, dans un premier temps, de se joindre à ses pairs. Le Nigeria, la première puissance économique du continent, ne semble pas avoir été approché par les initiateurs du projet.  

Seulement deux pays africains ont pris fait et cause pour la Russie, au détriment de l’Ukraine.

L’évolution des pays africains

Si la position de certains pays africains a évolué sur cette guerre, la grande majorité d’entre eux désapprouve l’invasion de l’Ukraine par la Russie. C’est ainsi que le 23 février 2023, lorsqu’il était question de se prononcer sur une résolution onusienne appelant au retrait des troupes russes d’Ukraine, l’Afrique a majoritairement dit « oui ». Dans le détail, 30 pays se sont prononcés en faveur de cette résolution, 22 se sont abstenus ou se sont absentés au moment du vote et 2 (l’Érythrée et le Mali) ont marqué leur désapprobation. Ce vote montre clairement que seulement deux pays africains ont pris fait et cause pour la Russie, au détriment de l’Ukraine. Pour autant, cela ne signifie pas que la majorité des pays africains se range dans le camp de l’Ukraine.

Lire aussi : Kiev ou Moscou : où se situent les pays africains ? https://www.makanisi.org/kiev-ou-moscou-ou-se-situent-les-pays-africains/

Aucune avancée majeure

Qui s’attendait vraiment à de grandes annonces après cette tentative de médiation ? La mission de paix initiée par les dirigeants africains n’a pas produit les résultats escomptés. Si cette démarche n’a débouché sur aucune avancée majeure sur le terrain de la recherche de la paix, les dirigeants africains ont toutefois le mérite d’avoir tenté quelque chose d’original. 

 

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