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samedi 27 juillet 2024
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RDC. CAN 2024 : quelles leçons pour la suite ?

La Côte d’Ivoire a remporté, à domicile, la Coupe d’Afrique des Nations contre le Nigeria (2-1). Cette 34ème édition a connu la participation de la République démocratique du Congo dont l’équipe, surnommée les Léopards, a réalisé un parcours remarquable, même si elle n’est pas montée sur le podium. Quelles leçons peuvent en être tirées par les instances sportives congolaises ?

Caramba, encore raté ! Certaines personnes se sont arraché les cheveux en République démocratique du Congo (RDC), à l’issue de la 34ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) organisée par la Côte d’Ivoire, du 13 janvier au 11 février 2024. L’équipe nationale de la RDC, surnommée les Léopards, n’est pas montée sur le podium ! Elle s’est classée quatrième, après une défaite aux tirs au but contre l’Afrique du Sud, dans un match que les Congolais ont pourtant largement dominé de bout en bout.

De nombreux amateurs du football congolais ont tout de même été agréablement surpris et fiers du parcours de leur équipe

Fiers du parcours des Léopards

La grande puissance footballistique africaine des années 60 – 70, retrouvera-t-elle un jour sa place d’antan ? Certains y croient. Malgré la défaite, la RDC, qui court après un troisième sacre dans cette compétition depuis 1974, a laissé de bons souvenirs en Côte d’Ivoire. Pourtant, au vu des récentes prestations des Léopards, l’optimisme n’était pas de rigueur dans ce vaste pays d’Afrique centrale où tout le monde (ou presque) a un avis sur la composition de l’équipe nationale et sur le schéma tactique à mettre en place avant une rencontre.

Si personne de sensé ne s’attendait, avant le coup d’envoi du tournoi à voir les Léopards décrocher une troisième étoile, de nombreux amateurs du football congolais ont tout de même été agréablement surpris et fiers du parcours de leur équipe. Les Léopards ont tellement emballé des millions de Congolais lors de la phase de poules, qu’une partie du public sportif congolais avait commencé à rêver d’un miracle.   

Meilleure préparation

Une partie de l’explication du bon parcours des Léopards est à chercher dans la préparation. Cette fois-ci, le pays a mis le paquet et évité les improvisations de dernière minute. La participation des Léopards à la CAN n’a pas été plombée par des scandales liés aux primes non versées à temps. Les choses ont été faites comme il faut, pour que règne la sérénité dans les rangs des joueurs de l’équipe nationale.

« Il y a eu une remarquable préparation physique – ce qui n’avait pas toujours été le cas dans le passé »

« Les joueurs se sont préparés dans de bonnes conditions, aux Émirats arabes unis. Leur regroupement a eu lieu à temps. Il y a eu une remarquable préparation physique – ce qui n’avait pas toujours été le cas dans le passé. Des nutritionnistes ont été associés à cette préparation pour s’occuper de la saine alimentation des joueurs. Et la communication autour de l’équipe nationale s’est améliorée. Tout était presque parfait. Cette préparation a produit ce que l’on a vu sur le terrain », explique Gede Luiz Kupa, journaliste sportif au sein de la rédaction de 7sur7, un site congolais d’information en ligne. 

L’apport des « binationaux »

La formation congolaise, qui est allée en Côte d’Ivoire sous les ordres du coach français Sébastien Desabre, 47 ans, était composée de 24 joueurs. Seulement cinq de ses footballeurs sont nés en RDC. Tous les autres ont vu le jour en Europe. Le gros du bataillon (onze joueurs) est fourni par les natifs de l’Hexagone.

Un seul joueur évoluant en RDC faisait partie du groupe. Il s’agit de Saidi Baggio, le gardien du TP Mazembe, qui, d’ailleurs, n’est pas apparu sur le terrain tout au long de la compétition. Il était le troisième choix du sélectionneur. Le TP Mazembe de Lubumbashi, deuxième ville du pays (sud-est), qui figure parmi les clubs les plus titrés sur le plan continental, est le meilleur club congolais des 20 dernières années.

Le pays a ainsi bénéficié du travail des clubs formateurs, pour la plupart européens, d’une grande partie des joueurs des Léopards

Le pays a ainsi bénéficié du travail des clubs formateurs, pour la plupart européens, d’une grande partie des joueurs des Léopards, dans un contexte où la FIFA, la Fédération internationale de football association, a assoupli les règles en matière de « nationalité sportive ». Celle-ci détermine le lien entre un sportif et le pays dont il souhaite défendre les couleurs lors d’une compétition internationale. Ainsi, la « nationalité sportive » d’un joueur ne correspond pas toujours à la nationalité qui apparaît sur son passeport.  

La RDC, pour sa part, n’accepte pas la double nationalité. La nationalité congolaise étant exclusive, selon les textes en vigueur, un citoyen congolais ne peut pas, en même temps, être citoyen d’un autre pays. Le débat sur la double nationalité, qui est régulièrement relancé dans le pays, divise la société congolaise. Les uns y voient un danger et pointent des risques de double allégeance, les autres, plus ouverts, insistent sur ce que les « binationaux » peuvent apporter à la RDC. Le cas des Léopards donne matière à réflexion.

Où sont les talents locaux ?

Où en serait la RDC si elle ne devait miser que sur les joueurs évoluant en RDC, dans un championnat national dont l’attractivité s’est nettement affaiblie ces dernières années ?  La RDC ne se penche pas sérieusement sur la formation d’aspirants footballeurs en bas âge. Certains des terrains sur lesquels les enfants pratiquaient le football, de façon instinctive, ont été vendus et des constructions y ont été érigées. Les quelques rares centres de formation et académies de football locaux opérant dans le pays peinent à générer les « pépites » de demain.

« Le championnat national est quelque peu à l’abandon. Les deux dernières éditions ne sont pas allées à leur terme. Dans ce contexte, des talents congolais sont tentés de s’expatrier… »

 « Le championnat est quelque peu à l’abandon. Les deux dernières éditions ne sont pas allées à leur terme. Dans ce contexte, des talents congolais sont tentés de s’expatrier. La Tanzanie et d’autres pays africains accueillent des footballeurs congolais. Les clubs congolais n’ont pas tous suffisamment de moyens financiers pour garder leurs meilleurs joueurs congolais », note Luiz Gede Kupa.

Les organisateurs du championnat congolais n’arrivent pas à trouver la bonne formule pour lui redonner son lustre d’antan. Le calendrier est établi tel qu’il arrive que des équipes engagées dans les compétitions africaines accumulent les matchs en retard. Ce championnat, qui n’attire plus grand monde dans les stades, perd de plus en plus de son intérêt. Dans un pays aussi grand que la RDC, où les infrastructures routières sont globalement à étoffer, les choses ne sont pas simples. Mais les instances sportives intègrent-elles cette question à leur réflexion ? 

Championnats étrangers contre championnat national

À l’ère numérique, les foyers congolais ont accès, à moindre coût, à des centaines de chaînes de télévision étrangères. Les passionnés de football tendent à regarder plus les matchs de championnats étrangers (Espagne, Angleterre, Italie, France, etc.) que les rencontres locales qui, parfois, ne sont même pas télévisées. Aussi curieux que cela puisse paraître, sur les réseaux sociaux, les amoureux du football s’épanchent plus le championnat espagnol que sur le championnat congolais.

Aussi curieux que cela puisse paraître, sur les réseaux sociaux, les amoureux du football s’épanchent plus le championnat espagnol que sur le championnat congolais.

La vive rivalité qui existe depuis des lustres entre les deux plus grands clubs espagnols, le Real Madrid et le FC Barcelone, suscite de nombreuses réactions d’internautes congolais. L’époque où la concurrence entre Cristiano Ronaldo (Real Madrid) et Lionel Messi (FC Barcelone) était à son paroxysme est révolue. Le championnat espagnol, communément appelé La Liga, reste toutefois très suivi en RDC. Le clasico, la confrontation entre le Real Madrid et le FC Barcelone, suscite autant de passion que par le passé, même si le Portugais Ronaldo et l’Argentin Messi, considérés à juste titre comme deux des meilleurs joueurs de tous les temps, ont choisi d’aller jouer en Arabie Saoudite, pour le premier cité, et aux États-Unis, pour le deuxième.

Rôle fédérateur

Les Léopards ont, encore une fois, involontairement joué un rôle fédérateur. Lorsque cette équipe joue, les quelque 100 millions de Congolais mettent entre parenthèses leurs sempiternelles divergences politiques, pour la soutenir d’une seule voix. Ils ont tendance à faire bloc derrière l’équipe nationale, à quelques exceptions près.  

Tout succès des Léopards permet, d’une manière ou d’une autre, aux Congolais d’oublier momentanément les différentes crises auxquelles le pays fait face. C’est ainsi que des scènes d’hystérie collective sont observées par-ci, par-là dans le pays, après une victoire de leur équipe nationale.

Sébastien Desabre, qui a réussi à donner un fond de jeu à cette équipe, voit monter sa cote d’amour auprès du public. L’ex-entraîneur du Chamois Niortais FC, un club évoluant en Ligue 2 française, a été recruté en août 2022, en remplacement du coach argentin Hector Cuper. Le technicien français, qui a également fait ses preuves dans d’autres pays africains, est monté dans l’estime d’un public congolais versatile. De nombreux Congolais trouvent que globalement, pour la première fois depuis plusieurs années, le jeu collectif des Léopards est séduisant.

Si Sébastien Desabre a un chantier à ouvrir, c’est bien celui de la « finition ».

Les défis à relever

Tout n’est pas positif pour autant. Lors de la dernière CAN, les attaquants congolais se sont montrés assez maladroits devant les buts adverses. Les Léopards construisent et arrivent à se procurer des occasions nettes, mais ils ont du mal à marquer. Ce manque de réussite est dû au fait que le dernier geste des attaquants congolais n’a pas été toujours judicieux.

Les temps ont changé. L’âge d’or des Léopards se situe entre la fin des années soixante et le début des années soixante-dix. En 1974, tous les joueurs des Léopards avaient un statut d’amateur et évoluaient dans le pays. L’équipe regorge aujourd’hui de joueurs professionnels. Si Sébastien Desabre a un chantier à ouvrir, c’est bien celui de la « finition ». La lucidité, l’adresse et la sérénité semblent souvent faire défaut aux attaquants congolais au moment de conclure. Cette situation n’est pas irrémédiable.

Les Léopards prendront-ils part au prochain Mondial qui est prévu en 2026 au Mexique, aux États-Unis et au Canada ? C’est un autre défi majeur que Sébastien Desabre est appelé à relever.

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