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samedi 27 juillet 2024
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Kinshasa : le boom de l’immobilier de luxe

À Kinshasa, la frénésie immobilière n’est pas limitée aux centres commerciaux et aux supermarchés. Immeubles de bureaux et d’habitations, cités résidentielles d’appartements ou de villas, hôtels… les « beaux » quartiers, notamment ceux de la commune de la Gombe, se hérissent, jour après jour, de nouveaux bâtiments, avec une préférence pour les édifices en hauteur et les tours, dont les prix des bureaux ou des logements, à l’achat ou à la location, avoisinent ceux des grandes capitales du monde. Voire les dépassent. Un phénomène qui ne ralentit pas, loin s’en faut. S’il est justifié pour rattraper un certain retard, il consacre, toutefois, un développement à deux vitesses, qui creuse l’écart entre les plus riches et le reste de la population kinoise.

La fièvre de construction, qui s’est emparée de la capitale de la République démocratique du Congo (RDC) au début de la décennie 2000, s’est accélérée ces dernières années et s’accompagne d’un changement de localisation des nouvelles constructions. La précédente vague d’implantation d’immeubles et de villas de luxe avait concerné, entre autres, le quartier GB, dans la commune de Ngaliema, où le complexe résidentiel La Promenade compte 61 villas de luxe, et celui de la Gare centrale, à la Gombe, où a été érigé le Panoramique. Cette vague s’était étendue à la Funa, qui accueille le complexe résidentiel Le Mirage. Toutes ces résidences de luxe sont dotées d’une piscine, d’un jardin, de fontaines et d’une salle de sport. En matière d’immeubles administratifs, on peut citer l’Immeuble du gouvernement, dit intelligent, situé sur le 30 juin, dont les huit niveaux sont réservés aux cabinets ministériels et à leurs administrations respectives.

Les constructions, achevées ou en cours de finalisation, dont une partie sont à la recherche de locataires ou d’acheteurs, ont gagné de nouveaux quartiers

Une vague de constructions

Les constructions récentes, achevées ou en cours de finalisation, dont une partie sont à la recherche de locataires ou d’acheteurs, ont gagné de nouveaux quartiers. Près de l’hypermarché GGMart, dans la commune de Ngaliema, est sorti de terre un ensemble de petits immeubles de logements. Pas encore ou peu de clients malgré une publicité, baptisée « Congo rêves », qui se veut alléchante.

Mais c’est à la Gombe, aux alentours de l’hôtel Pullman et du Fleuve Congo Hôtel by Blazon, le long des avenues Batetela, Uvira et des Nations-Unies ainsi que dans les rues avoisinantes, qu’ont fleuri le plus grand nombre d’immeubles d’habitations. C’est dans ce secteur également qu’a été érigé le Centre financier de Kinshasa, un vaste complexe qui comprend 11 bâtiments.

L’expansion se poursuit au bord du fleuve Congo. Avec toutefois les risques d’éventuelles grosses crues du fleuve Congo. En janvier dernier, le niveau du fleuve est monté de plus de 6 mètres. Du jamais vu depuis 1961. Au point que la fameuse Cité du fleuve, du promoteur Hawkwood Prosperties Congo, bâtie sur une presqu’île d’un quartier populaire de la commune de Limete, a été largement inondée.

La fièvre de construction s’est accompagnée de l’arrivée de nouvelles entreprises de construction et de nouveaux promoteurs

De nouveaux venus

La fièvre de construction s’est accompagnée de l’arrivée de nouvelles entreprises de construction et de nouveaux promoteurs. Pendant longtemps, l’immobilier à la Gombe a été l’apanage des sociétés à capitaux libanais et indiens. Du côté des Indiens, toujours très présents, les pionniers furent les familles Rawji (Parkland) et Manji (Grandes Constructions du Congo, Building Bloc et Simkha). Très active, Modern Construction Congo, qui associe les hommes d’affaires Harish Jagtani et Sajid Umedali Dhrolia, a, pour sa part, renforcé sa présence dans la filière. On lui doit, entre autres, la tour Kiyo Ya Sita, érigée boulevard du 30 juin, la Galerie la Fontaine avenue Batetela, les deux tours proches du fleuve Congo dont l’hôtel Hilton et bien d’autres réalisations. On peut aussi citer Safricode (Sajid Dhrolia).

Les Libanais, pour leur part, sont représentés par la Société congolaise de construction moderne, de Glory Group, qui a succédé à Congo Futur, et surtout par la Société de travaux et de construction du groupe Achour.

La présence des sociétés chinoises dans la filière « Bâtiment » congolaise remonte à l’époque du président Joseph Mobutu, avec la réalisation du Palais du peuple, siège du Parlement, et du stade Kamanyola (rebaptisé stade des Martyrs), de quelque 80 000 places. Aujourd’hui, les principales sociétés chinoises actives dans la filière sont la China Communication Construction Company à qui l’on doit le Centre culturel et des arts pour l’Afrique centrale, qui sera bientôt inauguré, et la Zhengwei Technical Cooperation (SZTC), qui a réalisé le complexe résidentiel Kin-Oasis à Bandalungwa, avec l’État congolais.

Les sociétés de BTP de la place doivent désormais compter avec les Turcs. Filiale de Miller Holding, l’entreprise Milvest avance tranquillement mais sûrement ses pions

Milvest avance ses pions

Les sociétés de BTP de la place devront désormais compter avec les Turcs. Filiale de Miller Holding, l’entreprise Milvest avance tranquillement mais sûrement ses pions. Elle vient de s’imposer avec la construction du Centre financier de Kinshasa, dont la qualité et la beauté des bâtiments sont saluées par tous. Milvest est également engagée dans la réhabilitation de l’aéroport international de N’djili à Kinshasa, dont la société française Gemo Management assurera le suivi des questions contractuelles et supervisera les prix, les délais et le contrôle de la qualité. Milvest construit, en outre, une salle multifonctions de 20 000 places, située tout près du stade des Martyrs à Kinshasa. Elle devrait aussi intervenir dans un projet de périphérique, en partenariat avec la société française Poma, un des leaders mondiaux du transport par câbles.

Lire aussi : Kinshasa, les indiens leaders de la grande distribution https://www.makanisi.org/kinshasa-les-indiens-leaders-de-la-grande-distribution/

Les cadres moyens et les enseignants doivent migrer vers la périphérie de Kinshasa s’ils veulent construire leur propre maison ou en louer une à des prix raisonnables

Repoussés à la périphérie de Kinshasa

Si l’on peut saluer la multiplication des programmes immobiliers dans la capitale congolaise, force est de constater que seule une petite minorité de nantis peut accéder à ces logements de grand standing. Aussi, en raison de la flambée des prix de l’immobilier, les cadres moyens, du secteur public ou privé, et les enseignants doivent-ils migrer vers la périphérie de Kinshasa s’ils veulent construire leur propre maison ou en louer une à des prix raisonnables. Les nouvelles bâtisses, en majorité construites par des tâcherons, s’égrènent au-delà de l’aéroport, sur la route qui mène à la province du Kwilu, ou sur la RN 1, à la sortie sud de Kinshasa, où elles peuvent atteindre Kasangulu, dans la province du Kongo Central.

Quant aux autres Kinois, les plus nombreux, il leur est difficile d’accéder à des logements confortables, les loyers étant trop élevés pour leur bourse, ou de retaper leur maison, faute de moyens. À l’exception des résidents des quartiers chic ou des Kinois qui font appel à des architectes, le bâti reste l’apanage de l’informel qui ne respecte pas toujours les contraintes architecturales. Dans les quartiers récents, l’urbanisation désordonnée et l’absence de lotissement sont un autre problème.

Un parc hôtelier étoffé

Pendant plusieurs années, Kinshasa a manqué d’hôtels, notamment de grand standing, une carence qui a fait, à l’époque, la fortune de certains hôteliers qui n’avaient aucun scrupule à louer une chambre à 300 dollars la nuitée, un tarif qui ne correspondait en rien au standing offert. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le parc hôtelier s’est renforcé et le secteur s’est ouvert à une diversité d’acteurs étrangers, dans la gestion hôtelière notamment. Outre le Memling, une « institution » datant de l’époque coloniale, il y a le Pullman Kinshasa, ancien fleuron hôtelier de la capitale, autrefois connu sous le nom d’Hôtel Inter-Continental ou Grand Hôtel de Kinshasa, qui a été repris par le français Pullman (groupe Accor). Citons aussi le Fleuve Congo Hôtel by Blazon Hotels, dont l’immeuble totalement réhabilité et transformé abritait autrefois le Centre de commerce international du Zaïre. Cet hôtel de luxe est passé entre plusieurs mains avant de revenir, en 2019, à Smart Hospitality Solutions, basé à Dubaï, ce qui vaut à l’hôtel son nom actuel.

En février 2017, s’est ouvert le Kin Plaza Arjaan by Rotana, dont l’investissement est le fruit d’un partenariat entre le groupe Achour et Hotel Management Corporation Rotana (Rotana), basé à Abou Dhabi (Émirats arabes unis).

Entre temps, ont fleuri quelques hôtels de bon standing dont le Royal Hôtel, Vénus ou Béatrice. En février 2017, s’est ouvert le Kin Plaza Arjaan by Rotana, dont l’investissement est le fruit d’un partenariat entre le groupe Achour (Libanais) et Hotel Management Corporation Rotana (Rotana), basé à Abou Dhabi (Émirats arabes unis).

Le Hilton Kinshasa, dont la construction a été réalisée et financée par Modern Construction Congo, a été inauguré le 19 août 2023. Il est opéré, sous enseigne Hilton, par Valor Hospitality Partners, une société de gestion hôtelière dont le siège est à Atlanta (États-Unis). Située en bordure du fleuve Congo, à deux pas du port et du Beach Ngobila, sa tour de 22 étages abrite quelque 230 chambres, un parking souterrain de 180 places, plusieurs boutiques, restaurants et divers espaces de loisirs. Nouveau venu également dans le secteur est le Novotel (groupe Accor), inauguré en novembre 2023.  Plus étoffé et comptant des 4 et 5 étoiles, le parc hôtelier devrait encore s’agrandir, avec notamment l’ouverture prochaine du cinq étoiles du Centre financier de Kinshasa.

Circulation, le chaos

Ce qui n’a pas changé à Kinshasa, ce sont les embouteillages monstres qui caractérisent, à certaines heures, le trafic routier dans cette mégapole qu’est Kinshasa. S’ils ont désengorgé quelques quartiers, les ponts, alias sauts-de-mouton, construits sous Félix Tshisekedi 1, n’ont pas réglé l’équation de façon significative. Loin s’en faut.

Dans une atmosphère de chaos, les professionnels de la route (chauffeurs de taxi, de bus, conducteurs de moto-taxis, livreurs, routiers, etc.) semblent en permanence stressés et enclins à klaxonner à tout-va sur les grands axes sursaturés.

La circulation ressemble, par endroits, à une mêlée de chauffeurs indisciplinés. On ne sait plus de quel côté passer.

La circulation ressemble, par endroits, à une mêlée de chauffeurs indisciplinés. On ne sait plus de quel côté passer. À droite, une voiture se trouve en sens contraire de la circulation. Là, un immense bus au toit surchargé de colis qui menacent de se renverser, tente de se frayer un chemin. Devant, un poids lourd masque la route, et derrière, un chauffeur impatient semble confondre klaxon et tambourin. Quant aux roulages, alias la police de la circulation routière, ils en profitent pour verbaliser. Un vrai capharnaüm.

Aucun quartier, aucune commune ou presque n’échappe au phénomène. D’où des déplacements qui peuvent dépasser deux à trois heures. Les raisons ?  L’étendue sans fin d’une capitale de quelque 12 millions d’habitants. Voire plus. « Kinshasa comprend 24 communes. On peut tabler sur au moins 500 000 habitants par commune. Mais des communes comme Kimbanseke, qui abrite le quartier populaire de Kingasani, en compte beaucoup plus. C’est une ville dans la ville », indique Philippe, un enseignant.

Lire aussi : Une nouvelle marina au bord du fleuve Congo à Kinshasa https://www.makanisi.org/une-nouvelle-marina-au-bord-du-fleuve-congo-a-kinshasa/

Yango, le Uber russe

La deuxième raison est le manque de transport collectif de type tramway ou train urbain. Outre les rutilantes 4×4 aux vitres teintées et les voitures des particuliers, le gros des déplacements est assuré par les bus de Transco, les minibus et les taxis privés, identifiables par leur couleur jaune et leur volant à droite, appelés ketch, qui signifie basket en argot lingala, en raison de leur forme étroite et ramassée. Sans oublier les tricycles, surnommés « trois pneus ou petita » et les motos, qui se sont multipliés comme des petits pains. Un calvaire en cas d’embouteillages ! Tel un essaim d’abeilles, ces motos-taxis surgissent en force, prenant en sandwich piétons et véhicules quatre roues, qu’ils empêchent d’avancer.

Dans ce contexte peu favorable aux déplacements en voiture, il y a toutefois un point positif : l’implantation de Yango, le uber russe, dans la capitale congolaise. 

Dans ce contexte peu favorable aux déplacements en voiture, il y a toutefois un point positif : l’implantation de Yango, le uber russe, dans la capitale congolaise.  Une petite révolution. Après une tentative d’implantation à Brazzaville (Congo) qui s’est avérée peu concluante, la société russe de VTC et de livraison à domicile Yango, détenue à 100 % par l’entreprise Yandex, s’est établie à Kinshasa. Au grand soulagement des Kinois, qui n’ont plus à marchander la course avec les chauffeurs, les tarifs étant fixes. Dans la foulée, le prix de location d’un taxi classique à l’heure ou à la course est devenu plus raisonnable. Sans compter la sécurité qu’offre le service, puisqu’on peut identifier le conducteur et suivre le parcours sur l’application téléchargeable sur un téléphone portable. Dans une ville où l’insécurité est forte dans certains quartiers, c’est plutôt sécurisant. Quant aux chauffeurs de taxi qui travaillent pour Yango, ils semblent satisfaits.

Toutefois, le client ne pourra pas échapper aux embouteillages et à la lenteur des déplacements aux heures de pointe ! Une situation qui pourrait s’améliorer si le projet de transport collectif sur le fleuve Congo et celui du téléphérique ou toute autre initiative de style tramway ou train urbain aboutissaient.

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