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samedi 27 juillet 2024
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RDC. Haut-Lomami : une province sous-équipée

Situé au carrefour de plusieurs provinces (Tanganyika et Haut-Katanga à l’est, Lualaba au sud-ouest, Lomami au nord-ouest), le Haut-Lomami est un espace de transit. Cette vocation est toutefois mise à mal par la dégradation des infrastructures de transport, alors que la province possède un réseau routier et ferroviaire et deux équipements aéroportuaires. À ce tableau, vient s’ajouter un manque criant d’électricité. De quoi compromettre l’essor économique d’une province qui a pourtant des atouts agricoles, halieutiques, pastoraux, miniers et touristiques.

Routes, chemin de fer, aérodromes, port et embarcadères fluviaux… Les infrastructures de transport sont variées. Mais leur état plutôt dégradé rend difficiles les déplacements et les échanges à l’intérieur du Haut-Lomami et avec les provinces voisines.

Des routes délabrées

Selon l’annuaire statistique RDC 2020 de l’Institut national de la Statistique, le réseau routier du Haut-Lomami s’étend sur 2 225 km dont 691 kilomètres de routes nationales. Seulement 30 kilomètres seraient revêtus, mais le manque d’entretien les rend peu praticables. Sur 1 239 km de desserte agricole, environ 555 km seraient relativement carrossables.

Le réseau routier du Haut-Lomami s’étend sur 2 225 km dont 691 kilomètres de routes nationales. Seulement 30 kilomètres de routes seraient revêtus.

Route du Haut-Lomami

La RN1, dont les 3083 km relient Kinshasa à Lubumbashi, traverse le Haut-Lomami. Venant de Mwene-Ditu (province du Lomami), elle passe par Kaniama, Kimpanga, Kamina, Bukama, Kabondo-Dianda et Luena pour déboucher sur Tenke dans le Lualaba.

Longue de quelque 768 km sur l’ensemble de son parcours, la RN 33 part de Kabondo-Dianda où elle se connecte à la RN1, passe par Malemba-Nkulu pour rejoindre Kalemie, via Manono, dans le Tanganyika. Des routes provinciales, prioritaires ou secondaires, complètent le réseau routier.

Reste que ces voies n’ont souvent de routes que le nom. « Dans notre province, la plupart des routes ne sont ni asphaltées ni en terre battue. Elles sont délabrées, pleines d’ornières et difficilement praticables en saison des pluies. La vie est très difficile dans notre province », déplore un cadre d’une société minière. Les ponts et les bacs sur les rivières sont tout aussi vétustes. Des efforts ont toutefois été faits. Des bacs et des ponts ont été réparés et des petites portions de routes stabilisées. Le pont Lububu, situé sur la route Kamina-Kabongo, a été réhabilité et un petit pont a récemment été inauguré sur la rivière Kabengele à Kamina. Toutefois, cela demeure insuffisant.

Trafic ferroviaire au ralenti

Le réseau ferroviaire exploité par la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC), qui transite par le Haut-Lomami, forme une sorte de Y. En effet, la voie ferrée, qui vient de Lubumbashi et passe par Bukama, bifurque en deux branches à partir de Kamina. L’une prend une direction nord-ouest pour se diriger, via Kaniama, vers Mwene-Ditu. L’autre file vers le nord-est, traverse Kabongo pour aboutir à Kabalo (Tanganyika), où elle se sépare en deux : un branchement se dirige vers Kalemie et un autre vers Kindu (Maniema).

La voie ferrée, qui vient de Lubumbashi et passe par Bukama, bifurque en deux branches à partir de Kamina.

Pont-rail sur le Lualaba à Bukama

Le tracé Kamina-Kabongo-Kabalo, long de 445 km, est né de la volonté des autorités coloniales de faire la jonction entre les réseaux de la Compagnie des Chemins de Fer du Congo Supérieur aux Grands Lacs Africains (CFL) et de la Compagnie du chemin de fer du Bas-Congo au Katanga (BCK)

Avec la pandémie de Covid-19, le trafic marchandises fonctionne au ralenti. En temps normal, le train de marchandises achemine des produits agricoles vers le sud du pays et, au retour, rapporte des produits manufacturés vers le Haut-Lomami et le Grand Kasaï. En revanche, le transport des voyageurs est resté maintenu. Il est assuré, deux fois par semaine, par le train New Express Diamant Béton, entre Lubumbashi et Mwene-Ditu et au-delà. Pour l’utiliser, tout voyageur doit faire un test antigénique dans une voiture du train médicalisée à cet effet.

Infrastructures aéroportuaires limitées

Le réseau aéroportuaire est composé d’un aérodrome civil et d’un aéroport militaire à Kamina et de huit pistes d’aviation dont quatre à Malemba-Nkulu, deux à Kaniama, une à Bukama et une autre à Kabongo, qui sont la propriété privée de confessions religieuses et d’une entreprise minière.

Géré par la Régie des Voies aériennes (RVA), l’aérodrome de Kamina, qui a été initié par l’Église méthodiste, a un équipement sommaire et son trafic est limité. Sa piste, qui est en terre battue, n’est accessible qu’aux petits porteurs. La liaison Lubumbashi-Kamina est assurée par la compagnie Air Fast Congo. En cas d’intempéries, les avions peuvent atterrir sur l’aéroport de la base militaire de Kamina, après avoir obtenu l’autorisation des autorités militaires.

Situé à 1 080 mètres d’altitude, l’aéroport de la base militaire dispose de deux pistes asphaltées, mesurant chacune 2 700 sur 45 mètres, qui peuvent accueillir des cargos. Lors des sécessions, notamment de celle du Katanga, survenues après l’indépendance, il a abrité les avions militaires de l’Opération des Nations unies au Congo (Onuc).

La navigation sur le bief supérieur du fleuve Congo-Lualaba, qui est navigable entre Kongolo, Malemba-Nkulu et Bukama, est assurée par des pirogues et des baleinières qui transportent des passagers et des marchandises diverses.

Le transport fluvial et lacustres

Lacs et cours d’eau sont parcourus par des pirogues, motorisées ou non, qui sont le moyen de déplacement le plus courant. La navigation sur le bief supérieur du fleuve Congo-Lualaba, qui est possible entre Kongolo, Malemba-Nkulu et Bukama, est assurée par des pirogues et des baleinières qui transportent des passagers et des marchandises diverses. Le fleuve est également utilisé par une compagnie minière pour charrier des minerais. La commune de Bukama, riveraine du Lualaba, dispose d’un port avec des quais, qui a été construit à l’époque coloniale. Un pont-rail y franchit le Lualaba. En revanche, Malemba-Nkulu n’a qu’un simple embarcadère peu aménagé pour l’embarquement des voyageurs et des marchandises.

Les baleinières transportent des passagers et des marchandises diverses sur le bief supérieur du Lualaba.

L’intense circulation fluviale sur le bief navigable du Lualaba été améliorée suite à la réhabilitation du balisage par la Régie des Voies Fluviales (RVF) dans le cadre du Projet de Transport Multimodal, financé par la Banque mondiale, qui s’est achevé le 30 juin 2018. Quelque 556 signaux de balisage ont ainsi été implantés sur un tronçon de 646 Km.

Lire aussi : Le Haut-Lomami, une jeune province à découvrir. https://www.makanisi.org/rdc-le-haut-lomami-une-jeune-province-a-decouvrir/

Une province enclavée

Malgré l’existence de ces infrastructures, le Haut-Lomami est une province enclavée où les conditions de circulation et d’accès aux provinces limitrophes sont difficiles en particulier en saison des pluies. Une situation liée au manque d’entretien des équipements et à la rareté des projets de réhabilitation et de modernisation des infrastructures de transport, notamment routières, qui n’ont été pas étendues depuis des décennies.

Malgré l’existence de ces infrastructures, le Haut-Lomami est une province enclavée où les conditions de circulation et d’accès aux provinces limitrophes sont difficiles en particulier en saison des pluies.

Pour une province à vocation de transit, l’addition est salée. « Il faut deux jours pour atteindre Kamina depuis Lubumbashi », explique le gouverneur. Néanmoins, vaille que vaille, les grands commerçants et les transporteurs poursuivent leurs activités. Pour pallier les difficultés en saison des pluies, la RN1 étant très peu praticable entre Tshikapa (province du Kasaï) et Kamina, « ils louent des wagons à la SNCC pour acheminer leurs marchandises dans les deux sens », ajoute le gouverneur.  

Un énorme déficit énergétique

L’autre grand problème du Haut-Lomami est le manque criant d’électricité. Selon l’Atlas des énergies renouvelables de la RDC, Édition 2016, du ministère de l’Énergie et des ressources hydrauliques, la puissance disponible est de 7,65 MW malgré une capacité installée de 11,752 MW dont 9 MW provenant de l’hydroélectricité et le reste de sources thermiques. La capacité de production installée et la puissance disponible sont de loin inférieures aux besoins de la province qui sont évaluées à 123,30 MW. Le déficit est d’environ 115 MW.

La capacité de production installée et la puissance disponible sont de loin inférieures aux besoins de la province qui sont évaluées à 123,30 MW. Le déficit est d’environ 115 MW.

La seule centrale hydroélectrique de la province est Kilubi, construite en 1954, à une centaine de km au nord-ouest de Kamina. Alimentée par les chutes de Kilubi, cette centrale, qui appartient aux Forces armées de la RDC (FARDC), rétrocède son électricité à la SNEL. Outre la base militaire de Kamina, à laquelle elle était destinée à l’origine, elle alimente le chef-lieu de la province. Sa puissance installée est de 9 MW. Actuellement seule une turbine sur 3 serait fonctionnelle. « Les câbles sont vétustes. Il faut changer tout le circuit. Le matériel date de l’époque coloniale. Il n’a jamais été changé », signale Daniel Ngoy Kazadi, ingénieur des mines à Mining Mineral Resources (MMR).

Deux petites centrales thermiques sont censées fournir de l’électricité à Malemba-Nkula et Kaniama, mais elles fonctionnent par à-coups. Bukama et Luena bénéficient parfois de l’électricité de la ligne de la SNCC. Partout ailleurs, les familles aisées, les entreprises et quelques ONG et églises ont recours à des groupes électrogènes et des panneaux solaires. À Malemba-Nkulu et à Bukama, MMR utilise des groupes électrogènes pour faire fonctionner ses grandes laveries. Les petits artisans et les ménages à faibles revenus utilisent des lampes torches et des bougies pour s’éclairer et faire fonctionner quelques appareils électriques et du bois pour faire cuire les aliments.

Le potentiel hydroélectrique est estimé 232,15 MW dont 214,15 MW identifiés dans le territoire de Bukama.

Miser sur l’hydroélectricité

Pour le gouvernorat, des solutions doivent être trouvées d’urgence. « Une ligne à haute tension provenant du barrage d’Inga transite par la province au niveau de Kibula, mais elle fournit de l’électricité aux sociétés minières des provinces voisines. On a fait parvenir au gouvernement central un projet répartiteur pour desservir la ville de Kamina et des projets de construction de petits barrages hydroélectriques. On espère qu’ils seront pris en compte dans le cadre du programme des 145 territoires », note le gouverneur.

La province ne manquant pas de cours et de chutes d’eau, l’hydroélectricité est privilégiée. Le solaire est réservé aux villages et aux très petites localités.

La province ne manquant pas de cours et de chutes d’eau, l’hydroélectricité est privilégiée. Le potentiel hydroélectrique est estimé à 232,15 MW dont 214,15 MW identifiés dans le territoire de Bukama, selon l’Atlas des énergies renouvelables de la RDC. Le solaire serait réservé aux villages et aux très petites localités. Un projet de construction d’une centrale hydroélectrique de 147 MW, à hauteur des chutes de Kalenge, dans le territoire de Bukama, en aval de Luena, a été initié par la société GML. Reste à finaliser le montage financier. Le coût du projet est évalué à 350 millions de dollars.

Autant dire que le manque d’électricité et le mauvais état des infrastructures de transport limitent l’essor économique de la province, dissuadent certains investisseurs de s’installer dans le Haut-Lomami et nuit au bien-être et au quotidien des populations.

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