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samedi 27 juillet 2024
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RDC. Le Haut-Lomami, une jeune province à découvrir

Née du découpage du Katanga, la province du Haut-Lomami, qui couvre une superficie de 108 204 km2, échappe aux radars médiatiques et reste quelque peu un mystère pour le citoyen ordinaire. Pourtant, son histoire mériterait d’être racontée et son territoire mieux connu.

Située dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC), la province du Haut-Lomami a un relief assez monotone dominé par les hauts-plateaux (Kamina et Biano) et la grande dépression de Kamalondo dans le sud-est. Sa végétation se compose de savanes herbeuses et de zones de forêts claires.

La province tire son nom de la rivière Lomami. Ce cours d’eau prend sa source à l’ouest de la ville de Kamina, à plus de 1100 m d’altitude, pour se jeter quelque 1500 km plus au nord dans le fleuve Congo, à proximité de la localité d’Isangi, en aval de Kisangani, dans la province de la Tshopo. Son parcours en fait le plus important affluent du Congo dans le sous-bassin versant de Lualaba. L’embouchure de la Lomami constitue la limite du cours supérieur du fleuve Congo et le début de son cours moyen.

Les territoires de Bukama et de Malemba-Nkulu sont drainés par le fleuve Lualaba (qui changera d’identité en aval de Kisangani pour devenir Congo). Le fleuve passe par Bukama, traverse la zone marécageuse de la dépression de Kamalondo, située dans le nord-ouest du parc national de l’Upemba, qui compte plusieurs lacs dont l’Upemba et le Kisale, avant d’arriver à Malemba-Nkulu. Puis il file vers Kongolo (Tanganyika) et au-delà.

Fief de l’empire luba

Statue d’Ilunga Mbidi Kiluwe. @Alex Nkulu

Avant la colonisation, la province connue actuellement sous le nom du Haut-Lomami était dominée par l’empire luba, qui déployait ses tentacules sur une partie de cette région.

Si les vestiges de cet empire, qui a connu ses heures de gloire avant l’implantation de l’administration coloniale, ne sont presque plus visibles de nos jours, il n’en reste pas moins que la ville de Kamina, le chef-lieu de la province, est située à l’endroit où « sévissait » Kasongo Nyembo, le tout dernier souverain de l’empire luba. Ce guerrier intrépide s’est insurgé contre les autorités belges au tout début du XXème siècle.

Une statue d’Ilunga Mbidi Kiluwe, figure centrale de la mythologie luba, trône dans la ville de Kamina. Ilunga Mbidi Kiluwe aurait eu un fils, Ilunga Kalala, le deuxième empereur de l’empire luba.

Les autorités provinciales semblent avoir pris conscience de l’importance de faire revivre, d’une manière ou d’une autre, la mémoire de l’empire luba.

Il semble y avoir un consensus autour de la création de l’empire luba que des historiens situent vers la fin du XVIème siècle, à une époque où la République démocratique du Congo n’existait pas en tant que telle. Son territoire était alors constitué d’une mosaïque d’empires et de royaumes ainsi que d’une série de villages épars, dominés par des communautés ethniques qui, sur le plan culturel, avaient peu de choses en commun et qui s’employaient à élargir leurs territoires par la force ou la persuasion.

Faire revivre la mémoire de l’empire luba

Les autorités provinciales actuelles semblent avoir pris conscience de l’importance de faire revivre, d’une manière ou d’une autre, la mémoire de l’empire luba.  « Nous faisons un effort de reconstitution culturelle », indique le gouverneur par intérim du Haut-Lomami, Kabamba Ilunga Wa Batame Anany. Pour les autorités, les nouvelles générations doivent s’imprégner des grandes étapes de l’histoire de leur province. Parallèlement, des réflexions sont menées dans certains cercles universitaires congolais pour tenter de donner une plus grande place dans les programmes scolaires à l’enseignement de l’histoire de la RDC.

Du statut de district à celui de province

La province du Haut-Lomami abrite quelque 3 444 000 habitants, selon l’annuaire statistique 2020 de la RDC publié par l’institut national de la statistique (INS) en mars 2021. Les moins de 20 ans représentent plus de la moitié de la population provinciale. Les territoires les plus peuplés sont ceux de l’est : Bukama et Malemba-Nkulu.

Entre l’organisation territoriale établie par les Belges à l’époque coloniale, notamment en 1947, et l’institution des 26 provinces par la Constitution de 2006, le Haut-Lomami a vu son statut modifié selon les régimes qui se sont succédé. Longtemps simple district, il a été rattaché à différentes provinces puis en a été détaché, et il a même disparu de la nomenclature administrative à une époque (cf. encadré ci-dessous). Ce n’est qu’à la faveur de la constitution de 2006 qu’il prend le statut de province. Son détachement de l’ex-Katanga en 2006 en fait une province mono-ethnique.

Largement considérée comme mono-ethnique, la province du Haut-Lomami est peuplée, pour l’essentiel, de Baluba.

Une majorité de Balubakat

Kamina. Statue de Laurent Désiré Kabila @Ali Courtois

Largement considérée comme mono-ethnique, la province du Haut-Lomami est peuplée, pour l’essentiel, de Baluba, qui sont venus du sud du Katanga. Ces Luba (Baluba), communément appelés Baluba-Katanga ou Balubakat, parlent le kiluba, qui se démarque quelque peu du tshiluba, son pendant du Grand Kasaï.

Les Baluba qui ont peuplé ce qui est devenu le Grand Kasaï (composé actuellement des provinces du Lomami, du Kasaï Central, du Kasaï Oriental et du Kasaï) seraient partis de l’empire luba. Leur langue, le tshiluba, fait partie des 4 langues nationales inscrites dans la Constitution.

Kiswahili, Tshiluba et Kisonge

Si les Baluba sont prédominants dans le Haut-Lomami, d’autres communautés congolaises, venues de provinces voisines (Kasaï, Lomami, Maniema) et de Kinshasa, y résident également. De ce fait, d’autres langues que le kiluba sont parlées dans la province, dont le tshiluba (territoires de Kaniama et de Kamina), le kisonge (Kabongo) ainsi que le kishwahili qui s’est répandu dans des petits centres commerciaux et les gares ferroviaires dans le nord-est de la province.

Le lingala s’est implanté plus particulièrement à Kamina, qui abrite l’université de Kamina (Unikam) et une base militaire, construite par les Belges, pour résister à une éventuelle attaque atomique. L’aérodrome pouvait être utilisé par des bombardiers lourds d’un rayon d’action de 8 000 kilomètres.

Les relations entre le Haut-Lomami et les trois autres provinces (Haut-Katanga, Tanganyika et Lualaba) issues de la division de l’ex-Katanga sont au beau fixe.

Les relations entre le Haut-Lomami et les trois autres provinces (Haut-Katanga, Tanganyika et Lualaba) issues de la division de l’ex-Katanga sont au beau fixe. D’ailleurs, le Haut-Lomami  a créé un ministère chargé de la coopération avec d’autres provinces. Les quatre gouverneurs concernés se parlent régulièrement.

Une présence camerounaise remarquée

Le Haut-Lomami attire quelques étrangers, parmi lesquels des étudiants camerounais. Plusieurs dizaines d’entre eux sont inscrits à la faculté de médecine de l’Unikam. De cet établissement, qui semble jouir d’une bonne réputation, étaient déjà sortis d’autres médecins camerounais reconnus pour leurs compétences dans leur pays d’origine où ils exercent.

Le premier groupe d’étudiants camerounais à Kamina était, pour l’essentiel, constitué d’adeptes de l’Église méthodiste. Des mariages entre Camerounais et Congolaises ou entre Congolais et Camerounaises ont été également enregistrés dans la région.

Le premier groupe d’étudiants camerounais à Kamina était, pour l’essentiel, constitué d’adeptes de l’Église méthodiste

Un large éventail de confessions religieuses

Kamina. Paroisse Sainte Thérèse @Alex Nkulu

Parmi les étrangers vivant dans la province figurent des représentants de plusieurs confessions religieuses (Église méthodiste, Église protestante, Église catholique, etc.).

L’Église catholique, très implantée en RDC depuis des lustres, dispose d’un réseau de paroisses éparpillées dans le Haut-Lomami, et les Églises dites de réveil, qui semblent en pleine expansion un peu partout en RDC, sont très actives sur place.

Des prêtres croates et serbes ont atterri dans la province après le départ de leurs confrères belges et français. À cette liste, non-exhaustive, s’ajoutent notamment des franciscaines venues du Rwanda.

Une faible communauté indienne, composée en grande partie de commerçants, vit également dans cette partie de la RDC. 

À quoi rêvent les jeunes ?

Comme dans toutes les provinces de la RDC, la jeunesse représente plus de 50 % de la population du Haut-Lomami. À quoi rêvent les jeunes ? Pour la plupart, ils aspirent à finir leurs études en vue de trouver un emploi décent assorti de revenus attractifs. Ce rêve est rarement réalisé localement, car les opportunités sont limitées sur les choix des universités sur place. Les jeunes qui ont l’ambition d’effectuer des études dans des facultés qui n’existent pas sur place sont obligés de quitter le Haut-Lomami pour aller ailleurs, notamment à Lubumbashi, le chef-lieu du Haut-Katanga, où les filières sont plus diversifiées.

Il est prévu la mise en place d’un écosystème pour inciter les jeunes à se lancer dans l’entrepreneuriat

Un écosystème pour les aspirants entrepreneurs ?

Les autorités provinciales ont identifié un site sur lequel sera érigé, au profit des jeunes, un centre de formation à des métiers divers. Il s’agit, pour elles, de miser sur l’apprentissage pour faire émerger une jeunesse soucieuse de s’épanouir localement par le travail. À terme, il est prévu la mise en place d’un écosystème pour inciter les jeunes à se lancer dans l’entrepreneuriat.

« Nous nous sommes inspirés du Burundi, qui a tout mis en œuvre pour développer l’entrepreneuriat des jeunes. Nous réfléchissons aux mécanismes de leur encadrement, » précise le gouverneur Kabamba.

Cette initiative pourrait contribuer à faire décoller l’économie de cette province rurale, assez pauvre, bien que riche en ressources naturelles mais dont le potentiel agricole, piscicole, touristique, minier et hydraulique est peu exploité.   

Histoire administrative du Haut-Lomami 

Congo Belge :

  • 1947 : Institution du district du Haut-Lomami qui fait partie de la province du Haut-Katanga
  • 1er janvier 1948 : incorporation du territoire de Mwanza (Malemba-Nkulu), jusqu’alors rattaché au Tanganyika, au district du Haut-Lomami.

Congo indépendant (RDC) :

  • 11 juillet 1962 : création de la province du Nord-Katanga par fusion des districts du Tanganyika et du Haut-Lomami.
  • 8 juillet 1963 : avec la création de la province du Katanga-Oriental, celle du Nord-Katanga perd le territoire de Mitwaba.
  • 19 juin 1964 : transfert du chef-lieu du Nord-Katanga à Kamina.
  • 1er août 1964 (Constitution) : La République démocratique du Congo se compose de Léopolville et de 21 provinces dont le Nord-Katanga et le Katanga oriental.
  • 18 février 1966 : détachement des régions songe du Katanga pour les intégrer dans la province du Nord-Katanga.
  • 6 avril 1966  : ordonnance-loi modifiant les divisions du territoire de la République démocratique du Congo qui se compose de la ville de Léopolville et de douze provinces autonomes dont le Nord-Katanga avec pour chef-lieu Alberville (actuel Kalemie).
  • 3 mai 1967 : suppression de la province du Nord-Katanga.
  • 24 juin 1967 (Constitution) : la République comprend la ville de Kinshasa (la capitale) et huit provinces administratives : Bandundu, Équateur, Kasaï occidental, Kasaï oriental, Katanga, Kivu, Kongo central, province Orientale.
  • 1971 : avec la zaïrianisation, la province du Katanga devient la province du Shaba.
  • 1997 : rétablissement des anciens intitulés (provinces, districts et territoires). La province du Shaba redevient le Katanga avec ses cinq districts dont le Haut-Lomami.
  • 18 février 2006 (Constitution): le nombre des provinces passe de 11 à 26 provinces.  Le Katanga est divisé en 4 provinces dont celle du Haut-Lomami, qui a pour chef-lieu Kamina.
  • 28 février 2015 : mise en place des 26 provinces.
Carte du Haute-Lomami. Source : Annuaire statistique RDC 2020 (Institut national de la Statistique de RDC)

Organisation territoriale et administrative de la province du Haut-Lomami

La province du Haut-Lomami comprend :

  • 1 ville : Kamina ;
  • 5 territoires : Kamina, Kabongo, Malemba-Nkulu, Kaniama, Bukama.
  • 6 secteurs : Nord-Baluba (Kabongo),Kinda (Kamina), Mwanza et Badia (Malemba-Nkulu), Lualaba et Kapamoayi (Bukama)
  • 12 Chefferies : Kasongo-Nyembo (Kamina) ; Mutombo-Mukulu (Kaniama) ; Kabongo et Kayamba (Kabongo) ; Nkulu, Mulongo, Museka et Kayumba (Malemba-Nkulu) ; Kibanda, Kabondo-Dianda, Kinkondja et Butumba (Bukama).
  • 3 Communes urbaines : Dimayi, Kamina, Sobongo.
  • 6 Communes rurales : Kaniama, Kabongo, Malemba-Nkulu, Cité de Mulongo, Bukama et Luena
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