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samedi 27 juillet 2024
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RDC : l’armée peine à redorer son image

La situation dans l’est de la République démocratique du Congo, où les troupes gouvernementales affrontent les rebelles du M23, n’a pas notablement évolué depuis plusieurs mois, alors que le président Félix Tshisekedi s’est engagé à tout mettre en œuvre pour y trouver une issue. Cet enlisement apparent, qui suscite railleries et critiques acerbes, met Kinshasa en porte-à-faux. Des efforts ont été fournis pour inverser la tendance. Sans grand résultat.

Comment les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) s’y prennent-elles face aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, qui ont pris quelques localités de la province du Nord-Kivu (est) ? De nombreux Congolais expriment leurs doutes sur la capacité de l’armée à défendre le territoire national et à protéger les populations civiles.

La voie diplomatique, sur laquelle la RDC table, tout en ne lâchant pas prise sur le plan militaire, ne semble pas porter ses fruits

La voie diplomatique, sur laquelle la RDC table, tout en ne lâchant pas prise sur le plan militaire, ne semble pas porter ses fruits. S’il y a eu quelques timides condamnations des agissements du Rwanda, la tonalité générale des instances internationales n’a pas beaucoup évolué : Kigali et Kinshasa sont appelés à se mettre autour d’une table pour dialoguer, en vue de trouver une issue négociée à leurs divergences. Félix Tshisekedi ne ferme pas complètement la porte au dialogue avec son homologue rwandais. Mais le président congolais conditionne toute discussion éventuelle au retrait des troupes rwandaises du territoire congolais.

Paul Kagame, l’ex-chef rebelle du Front patriotique rwandais (FPR), qui s’est emparé du pouvoir en 1994 à Kigali, dans la foulée du génocide rwandais, nie toute implication dans ce conflit, alors qu’une pile de rapports de l’Organisation des Nations Unies et de groupes de réflexion mettent en lumière l’appui en hommes et en matériels que Kigali apporte à ce mouvement rebelle dont les revendications identitaires et politiques ne sont pas claires. Le M23 se livre à une exploitation à grande échelle de ressources naturelles des zones qu’il contrôle et impose illégalement des taxes aux populations locales. Le Rwanda tire profit de ce trafic, par le fait même que ce pays constitue un important point de passage, avant exportation, de minerais congolais en provenance de localités tenues par les rebelles.

Le contingent sud-africain, le plus important de la force de la SADC, compte 2900 hommes.

Virulentes critiques

Les autorités congolaises essuient une série de virulentes critiques liées au fait que les forces armées congolaises, appuyées par des éléments de la MONUSCO, la mission des Nations Unies dans le pays, et notamment par des étrangers, n’ont pas réalisé de conquêtes territoriales majeures depuis plusieurs mois.

Sous la bannière de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), l’Afrique du Sud, première puissance économique de la région, le Malawi et la Tanzanie ont également déployé leurs troupes dans le plus grand pays d’Afrique subsaharienne. La force de la SADC est constituée, au total, de 5000 hommes dont 2900 sont sud-africains.  En proie à de gros problèmes logistiques, l’armée sud-africaine n’est plus tout à fait ce qu’elle était il y a une trentaine d’années. Sa présence dans l’est de la RDC n’est pas du goût de l’opposition sud-africaine. Celle-ci persiste à appeler au retrait du contingent sud-africain après le départ du sol congolais des troupes de la Communauté d’Afrique de l’Est, dont le bilan est largement considéré comme négatif. Cette opposition garde sûrement quelques mauvais souvenirs du déploiement en 2013, en RDC, sous la présidence de Joseph Kabila, de soldats de la nation arc-en-ciel.

Les forces militaires et policières présentes en République démocratique du Congo, sous la bannière de la Monusco, ont amorcé leur retrait de la province du Sud-Kivu.

La mission onusienne

La Monusco a été créée par la résolution du Conseil de sécurité du 30 novembre 1999. Cette mission a néanmoins entamé son désengagement progressif de la RDC où elle est contestée par une partie de la population qui lui reproche son bilan fort peu reluisant. Des manifestations hostiles à cette mission onusienne ont coûté la vie à au moins 15 personnes en juillet 2022. L’image de l’ONU dans le pays est sérieusement écornée depuis plusieurs années.

Les forces militaires et policières présentes en RDC, sous la bannière de la Monusco, ont ainsi amorcé leur retrait de la province du Sud-Kivu. Il est toutefois prévu le maintien d’une présence résiduelle d’éléments de la Monusco sur place, pour assurer le processus de transition.

En janvier 2024, cette mission déployée en RDC depuis près d’un quart de siècle, était constituée d’un peu plus de 17 700 personnes en provenance d’une cinquantaine de pays, dont 12 385 soldats. 

Kinshasa mise sur une diversité de partenaires tant étatiques que privés pour redorer le blason de son armée

Une multitude de partenaires

Kinshasa mise sur une multitude de partenaires tant étatiques que privés pour redorer le blason de son armée qui bénéficiait autrefois d’une bonne réputation sur le continent. Les achats de drones se font en Chine, alors que la RDC s’approvisionne en avions Sukhoi en Russie. Des achats d’armes ont été négociés, entre autres, dans des pays du Golfe, en Turquie (blindés) et en Afrique du Sud. Une nouvelle ligne de production de munitions est en cours d’installation, par la société turque Atesci, à Likasi (Haut-Katanga). Des pays tels que la France, la Belgique, la Roumanie et Israël, notamment, fournissent instructeurs et formateurs. Cette approche induit une diversité de cultures militaires dont les éléments des FARDC sont contraints de s’accommoder.

En 2023, la RDC a, en proportion, enregistré  la plus forte hausse mondiale des dépenses militaires.

Réformes en cours

Pourtant, les autorités congolaises ne restent pas les bras ballants : elles ont pris quelques initiatives qui semblent passer inaperçues pour le moment. Pour preuve, pour la première fois de son histoire, le pays s’est doté d’une ambitieuse loi de programmation militaire votée par l’Assemblée nationale en septembre 2022, qui prévoit une augmentation substantielle du budget de la défense pour la période 2022 – 2025. Cette loi, qui structure la montée en puissance des forces armées congolaises, prévoit la réorganisation de l’outil militaire.

Les premiers effets de ce dispositif sont déjà palpables. C’est ainsi qu’en 2023, la RDC s’est illustrée par une augmentation substantielle de ses dépenses militaires. Ces dépenses ont atteint 794 millions de dollars – ce qui représente une hausse de 105 %. La RDC a ainsi signé, en proportion, la plus forte hausse mondiale, en particulier pour faire échec aux rebelles du M23 et à Kigali.

Combattre les réseaux mafieux

Lors de son récent séjour en France, le président Félix Tshisekedi a reconnu qu’au sein des forces armées opèrent des réseaux mafieux qui fragilisent l’action des troupes.

S’agissant des effectifs, le président a révélé que, sur le papier, les forces armées comptent 150 000 éléments. La solde mensuelle était versée en fonction de ces données officielles. Félix Tshisekedi a toutefois précisé qu’en réalité, un récent recensement a établi que les effectifs des forces armées ne franchissent même pas la barre des 100 000. Les réseaux mafieux, qui mettaient la main chaque mois sur le salaire des fictifs, ont été identifiés et démantelés. Tout n’est pas réglé pour autant.

 « La gestion et la maîtrise des effectifs des FARDC restent un casse-tête pour les autorités congolaises. Les effectifs – souvent fictifs – des militaires sur le terrain des opérations sont largement déficitaires par rapport aux effectifs théoriques. Ce fléau n’est pas spécifique à l’armée », estime Jean-Jacques Wondo, un spécialiste reconnu des questions militaires, sécuritaires et stratégiques.

« D’une manière générale, les réformes initiées au sein de l’armée congolaise ont été globalement inefficaces et non pérennes par manque de décisions politiques claires… »

Quelles perspectives ?

Cette armée est constituée d’ex-rebelles, de soldats mal formés et d’éléments issus de bonnes académies militaires. À la faveur des accords conclus au fil des années entre Kinshasa et des groupes armés, certains rebelles, sans formation, ont été insérés dans l’armée tout en gardant les grades et les fonctions qu’ils occupaient auparavant. C’est ainsi que des colonels et des majors autoproclamés se sont retrouvés dans les rangs des forces armées congolaises, sans pour autant avoir suivi le parcours normal. Les autorités congolaises considéraient, à tort ou à raison, que c’était le prix à payer pour que la paix revienne dans l’est du pays. Force est de constater que l’objectif n’a pas été atteint.

Certains responsables militaires occupent des fonctions auxquelles ils n’étaient pas préparés. Des appels en faveur d’un profonde réforme des procédures de recrutement se font entendre de manière cyclique.

« D’une manière générale, les réformes initiées au sein de l’armée congolaise ont été globalement inefficaces et non pérennes par manque de décisions politiques claires, de vision stratégique globale et de déficit de leadership militaire. Il faudra absolument définir une doctrine militaire congolaise pragmatique », explique Jean-Jacques Wondo.

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