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Gestion et protection des forêts du bassin du Congo : renforcer les progrès accomplis

Paru en 2022, le rapport « Bassin du Congo : État des forêts 2021 » est le septième de la série publiée depuis 2005. Répertoire de données tangibles sur ces écosystèmes forestiers, comme le souligne Hervé Martial Maidou, secrétaire exécutif de la Commission des Forêts pour l’Afrique centrale (COMIFAC), il vise à aider les décideurs des États de la région dans les prises de décisions relatives à la gestion forestière. Les thématiques traitées ont été définies lors d’un atelier régional organisé à Brazzaville en février 2018 qui a vu la participation des experts des pays membres de la COMIFAC et de scientifiques internationaux.

Résumé du rapport.

Le rapport a bénéficié d’un appui financier de l’Union européenne à travers le projet de Renforcement et Institutionnalisation de l’Observatoire des Forêts d’Afrique centrale (RIOFAC), mis en oeuvre par un consortium d’organisations scientifiques et techniques (CIFOR-ICRAF, CIRAD, FRMi, UCL). Un financement complémentaire a été mobilisé par la coopération technique allemande pour la traduction.

L’édition 2021 (461 pages) met en perspective les écosystèmes forestiers d’Afrique centrale et leur environnement de gestion à travers treize chapitres et quatre parties : État des ressources et gestion ; Forêts du bassin du Congo dans les débats internationaux ; Thématiques émergentes ; Enjeux et défis.

Connaissances des ressources à renforcer

La première partie dresse un bilan de l’état de la ressource, de plus en plus reconnue au niveau mondial comme étant un massif forestier essentiel pour la séquestration du carbone et la conservation de la diversité biologique. Elle analyse également la répartition des types de forêts et leur évolution selon leur affectation.

Le bilan de l’état des ressources a été établi grâce aux cartographies des forêts tant sur le plan floristique, physionomique qu’au niveau du carbone. Celle sur le plan floristique a été réalisée à partir de données d’inventaires d’aménagement collectées par 105 concessions forestières réparties sur toute la région, dont les résultats ont permis de caractériser trois gradients floristiques corrélés au climat, à la saisonnalité et à la température maximale et à l’activité anthropogénique. Une cartographie des types forestiers sur base physionomique complète ces données. Malgré ces avancées, la distribution spatiale des stocks de carbone forestier à l’échelle de l’Afrique centrale reste largement méconnue, du fait de la rareté des observations de terrain et des difficultés d’extrapolation des stocks de carbone par télédétection.

Lire aussi : Le Gabon récolte les fruits de sa politique de protection des forêts. https://www.makanisi.org/le-gabon-recolte-les-fruits-de-sa-politique-de-protection-des-forets/

La forêt couvre 88 % du territoire gabonais @Olivier Bonneau

50 millions d’ha de concessions forestières

Le rapport aborde, dans cette partie, les concessions forestières, qui occupent 50 millions d’hectares, et leur gestion. Appliqué dans la majorité des concessions, le plan d’aménagement est le meilleur outil de planification des récoltes, à condition d’être affiné. En revanche, le modèle de gestion communautaire, qui n’a pas fait ses preuves en termes de gestion durable et contribue très peu à la filière, est à repenser.

Les plantations forestières, avec des essences à croissance rapide, peuvent aussi contribuer à la conservation et à la gestion durable des écosystèmes forestiers et assurer la subsistance des populations. Mais les investissements dans ce secteur sont compliqués en raison du flou du régime foncier et de l’usage des terres, d’infrastructures industrielles inadaptées, du manque de technologies et de financement et d’une faible productivité. Autant de points à revoir.

Lire aussi : Gabon. La Semaine africaine du climat s’achève sur une note d’optimisme. https://www.makanisi.org/gabon-la-semaine-africaine-du-climat-sacheve-sur-une-note-doptimisme/

Progrès dans la mise en oeuvre du processus REDD+

Depuis une dizaine d’années, plusieurs initiatives d’appui technique et financier ont aidé les pays d’Afrique centrale à préparer et à mettre en oeuvre le mécanisme REDD+ (Reducing emissions from deforestation and forest degradation ou réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts) sur leur territoire, aux niveaux national et local. Des projets pilotes ont affiché des réussites mitigées, qui ont néanmoins permis de tirer des leçons sur les difficultés de territorialisation des activités. Des initiatives comme le CAFI, les Fonds Verts Climat contribueront à renforcer les capacités des pays engagés dans cette voie.

En matière de déforestation importée, des progrès ont été réalisés, en particulier du côté de l’Union européenne où des législations limitant l’entrée dans son espace de produits soupçonnés de contribuer à la déforestation et imposant la traçabilité du bois importé, ont été prises.

Malgré ces avancées, le suivi de la déforestation, de la dégradation et de la régénération forestière montre des différences entre les pays forestiers, mais également entre les périodes de suivi, avec une augmentation générale des taux de déforestation dans les aires protégées et les concessions forestières entre 2010 et 2020 par rapport à 2000-2010.

Pour télécharger et consulter le rapport, cliquer sur le lien suivant :  https://www.observatoire-comifac.net/publications/edf/2021

Des financements encore limités

De 2008 à 2017, le secteur forêt-environnement d’Afrique centrale n’a capté que 11,5 % des financements débloqués pour la conservation et la gestion durable des forêts tropicales. Les flux financiers sont surtout composés d’aide publique au développement et les contributions du secteur privé et des fondations restent très faibles.

Néanmoins, les forêts d’Afrique centrale montent dans l’agenda politique international. Ainsi, lors de la COP26, à Glasgow (Écosse), 12 pays parmi les plus riches et le Bezos Earth Fund ont promis de mobiliser au moins 1,5 milliard de dollars pour protéger et gérer durablement ces forêts. À charge pour ces pays de concrétiser leurs annonces et, pour les pays forestiers, de faire des propositions de qualité et de promouvoir une gouvernance crédible pour les institutions financières d’Afrique centrale, tant à leur niveau individuel qu’au niveau commun sous-régional.

Aligner le plan de convergence sur les ODD

La deuxième partie du rapport présente les forêts du bassin du Congo dans les grands débats internationaux. L’accent est mis sur la nécessité d’intégrer les objectifs de développement durable (ODD) dans leur gestion. À cet effet, le plan de convergence de la COMIFAC est le cadre qui guide les interventions dans le secteur forêt environnement. Reste à s’assurer de l’effectivité de la prise en compte de cette intégration dans les examens nationaux volontaires. Il a été constaté, en effet, que les multiples atouts des forêts ne sont pas bien reflétés dans les rapports nationaux et que les indicateurs et cibles retenus par les pays diffèrent, d’où la difficulté de faire des comparaisons entre les États. Renforcer les capacités des unités statistiques des pays et assurer une coordination intersectorielle pour une meilleure prise en compte dans les rapports nationaux de la contribution des différents secteurs aux ODD sont autant de recommandations.

Des tourbières menacées

La troisième partie développe deux thématiques émergentes pour les forêts d’Afrique centrale. L’une est la question des tourbières de la cuvette centrale du bassin du Congo qui constituent le plus vaste complexe de tourbières tropicales de la planète (presque contiguës). Elles couvrent plus de 145 500 km2 et leur tourbe renferme 30 gigatonnes de carbone, ce qui équivaut approximativement à la biomasse aérienne des arbres de la totalité de la forêt de la région.

Mais ces tourbières sont menacées par divers facteurs : l’exploration et l’exploitation pétrolières ; le développement des réseaux routiers ; celui de l’exploitation forestière ; la progression des surfaces cultivées et/ou des plantations et le changement climatique qui modifie l’équilibre hydrique de ces milieux naturels. Si des conventions et accords régionaux et internationaux existent (Convention de Ramsar, Résolution de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement et Déclaration de Brazzaville sur les tourbières qui prévoient leur gestion durable et leur protection), il y a urgence à renforcer les institutions et cadres de référence nationaux pour que tous ces engagements soient effectivement appliqués et mis en œuvre.

Tourbière dans le département de la Likouala, au Congo-Brazza. @MDMM

Les risques de zoonose

L’autre thématique analysée est la question des agents infectieux et des risques épidémiques dans les forêts d’Afrique centrale qui représentent aujourd’hui une menace pour la santé humaine et l’économie mondiale. La majorité d’entre eux sont des zoonoses dues à une transmission d’un agent pathogène d’un animal sauvage ou domestique à l’homme. Les mécanismes d’émergence de ces maladies dépendent de nombreux facteurs tels que la biodiversité, le climat, les activités humaines à risques, les changements environnementaux liés à l’homme mais aussi aux caractéristiques de l’agent pathogène.

La lutte contre ces maladies passe par l’instauration de systèmes de surveillance et de contrôle plus performants de la santé humaine et animale et l’application de mesures rigoureuses pour limiter l’impact de l’homme sur les forêts d’Afrique centrale et la perte de biodiversité.

Lire aussi : Bassin du Congo : vers une gestion durable des forêts ? https://www.makanisi.org/bassin-du-congo-vers-une-gestion-durable-des-forets/

Impliquer les populations locales dans l’aménagement du territoire

La quatrième partie traite des enjeux et défis pour les forêts d’Afrique centrale, avec un focus sur l’aménagement du territoire (AT), la restauration des paysages forestiers (RPF) et les droits des populations locales et autochtones. Survivances de décisions remontant à la période coloniale, les AT, dont l’évolution est analysée dans quatre pays (Cameroun, RDC, Rwanda et Burundi), intègrent progressivement la durabilité des ressources renouvelables, y compris la biodiversité et la déforestation évitée. Leur mise en oeuvre dépendra des moyens consentis pour articuler les deux mouvements de décisions, celui descendant de l’État et celui ascendant des communautés traditionnelles, pour limiter les conflits et garantir une mise en valeur respectueuse de l’environnement.

La RPF ne consiste pas simplement à planter des arbres mais aussi à améliorer les rapports des populations locales avec la nature. Ce qui nécessite de les impliquer dans les décisions de restauration des paysages dès la conception des projets, de disposer de services d’accompagnement, de recherche et de développement susceptibles de proposer de meilleures techniques et des itinéraires réalistes aux gouvernements locaux et aux populations sur qui repose la mise en oeuvre des RPF, et de mettre en place des systèmes de suivi pour évaluer l’efficacité, l’efficience et la durabilité des efforts de restauration.

Les droits des populations locales et autochtones

La problématique des droits des populations locales et autochtones est devenue une exigence pour les acteurs politiques et les gestionnaires des forêts. Dans cette perspective, la COMIFAC a adopté des directives sur la participation de ces acteurs à la gestion durable des forêts. Ce chapitre fait également le bilan de l’effectivité des droits des populations dans les forêts de production et de conservation. Les données disponibles montrent que ces droits ont évolué de manière ambivalente. D’où l’adoption, selon les situations, d’approches spécifiques portant sur les droits des communautés (sauvegarde sociale, analyse des risques, consentement libre, informé et préalable, mécanismes de gestion des plaintes, etc.).

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