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samedi 20 avril 2024
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Le Sud-Ubangi : une province carrefour du nord-ouest de la RDC

Issue du découpage de l’ex-Équateur, la province du Sud-Ubangi doit son nom à sa position géographique par rapport à la rivière Ubangi. Située dans l’extrême nord-ouest de la République Démocratique du Congo (RDC), au nord de l’équateur, elle s’étire sur 51 648 km2 et abrite environ 4 millions d’habitants selon les statistiques provinciales. Elle est limitée au nord-ouest par la Centrafrique, à l‘ouest  par le Congo, au nord et à l’est par la province du Nord-Ubangi, au sud-est par celle de la Mongala et au sud par l’Équateur.  Baignée de rivières et en partie couverte de forêts, le Sud-Ubangi est un carrefour. La voie fluviale y est déterminante dans les échanges. Reste à renforcer les infrastructures pour permettre à la province d’exploiter à fond son potentiel économique.

Si les Ngbaka, les Ngbandi et les Mbanza [Mbandja] sont majoritaires dans l’Ubangi, bien d’autres communautés forment la population provinciale, dont les Ngombe, les Mbenga (populations autochtones), les Libinza, les Bamwe, les Bomboma ou les Lobala. D’où une diversité de langues parlées localement, à côté du français, la langue officielle, et du lingala, une des quatre langues nationales.

Une province carrefour

Aux populations locales s’ajoutent les voisins et les étrangers que la situation particulière du Sud-Ubangi ne manque pas d’attirer. Par sa position géographique, cette entité administrative est, en effet, un carrefour entre le Congo, la Centrafrique et plusieurs provinces congolaises. Elle forme un courant d’échanges dans la partie septentrionale de la RDC, organisé autour de Zongo, de Gemena et d’Akula. Des commerçants, d’origines diverses, assurent I’évacuation des productions agricoles locales, en contrepartie de produits manufacturés en provenance de Kinshasa, de la Centrafrique voire de l’Est du pays. Cette vocation de carrefour se reflète dans les trois monnaies qui y circulent : le franc congolais, le dollar et le franc CFA. 

Par sa position géographique, cette entité administrative est, en effet, un carrefour entre le Congo, la Centrafrique et plusieurs provinces congolaises

Sa fonction de carrefour vaut parfois au Sud-Ubangi d’accueillir des Congolais du Congo-Brazzaville ou des Centrafricains fuyant des conflits chez eux. C’est également dans ces deux pays que des habitants du Sud-Oubangi vont se réfugier quand des troubles éclatent dans la province. Tel fut le cas, entre 1997 et 2001, lorsque les troupes rebelles de l’Armée de Libération du Congo (ALC), branche armée du Mouvement Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, appuyées par l’Ouganda, s’y sont affrontées avec celles de Laurent Désiré Kabila. De même, en 2009-2010, lorsqu’un conflit, lié en partie à l’accès à des étangs piscicoles, a éclaté entre des habitants d’Enyele et de Monzaya, puis s’est propagé à l’ensemble de la province, entraînant une vague de déplacements de populations.

Carte du Sud-Ubangi Source : CAID

Un climat chaud et humide

Le Sud-Ubangi est une zone relativement plate. Toutefois, le nord de la province fait partie du plateau de l’Uele-Ubangi, dont l’altitude moyenne est d’environ 600 mètres. C’est une zone de grandes étendues de savanes arbustives et de forêts denses humides le long de la frontière avec le Nord-Ubangi et avec la République du Congo. La partie sud s’incline régulièrement vers les plaines inondées de la cuvette centrale. Elle est en partie recouverte de forêts denses.

Le climat y est de type tropical humide, avec une saison des pluies, qui s’étale de mai à octobre, et une saison sèche qui débute en novembre pour s’achever fin avril. La température moyenne annuelle est de 24,6 °C. Les précipitations annuelles moyennes vont de 1600 à 1900 mm dans la région forestière et de 1300 à 1700 mm dans la zone savanicole.

Carte du réseau fluvial dans le nord-est de la RDC. Source : Cicos

Un réseau dense de rivières

Le Sud-Ubangi est drainé par un réseau hydrographique très dense. Principal affluent de la rive droite du fleuve Congo, la rivière Ubangi, qui n’est pas navigable pendant quatre mois en saison sèche, fait office de frontière entre la province et ses deux voisins : la Centrafrique et le Congo. Son principal affluent est la Lua, formée par la confluence des rivières Lua-Dekere et Lua-Vinda, qui rejoint l’Ubangi à hauteur de Dongo.

Serpentant le long de la frontière avec la province de la Mongala, la rivière Mongala reçoit entre autres la Bangala et la Libala dans le territoire de Budjala. Elle se jette dans le fleuve Congo près de Lusengo. De nombreux autres cours d’eau parcourent également la province.

Affluent de la rive droite du fleuve Congo, la rivière Ubangi, qui n’est pas navigable pendant quatre mois, fait office de frontière entre la province et ses deux voisins : la Centrafrique et le Congo.

Voies fluviales vs routes

De tout temps, la voie fluviale a été un moyen de communication largement utilisé par les populations locales pour se déplacer tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la région, et le support des relations socio-économiques. À l’époque coloniale, l’administration s’est d’ailleurs appuyée sur ces réseaux fluviaux. Elle a ainsi établi ses premiers postes le long de l’Ubangi, à Dongo, Libenge et Zongo. Cette dépendance à l’égard du fluvial a conditionné également l’essor des centres urbains qui ont émergé autour des ports (Mogalo, Akula, Dongo, Batanga, Zongo…), des plantations (Bozene, Songo, Boto, Gwaka) ou des grands marchés.

Par la suite, la construction du réseau routier, notamment de l’axe Gemena-Karawa-Businga, a réorganisé les échanges en les déplaçant dans l’est de la province. Devenu progressivement la courroie de transmission des marchandises en provenance de Matadi, la nouvelle route commerciale a favorisé la croissance de Gemena, dont les activités et la population augmenteront très rapidement.  

Le rôle des ports dans les échanges

La voie fluviale jouant un rôle important dans les échanges intérieurs et extérieurs de la province, la réhabilitation des ports et leur connexion avec le réseau routier est indispensable pour intensifier le trafic.

Le port d’Akula sur la Mongala @Miluna

Principale porte d’entrée et de sortie du Sud-Ubangi, le port d’Akula est situé sur la rivière Mongala, véritable respiration économique de la province. Akula permet l’évacuation des produits locaux vers l’est du pays, en particulier vers Kisangani, chef-lieu de la Tshopo, mais surtout vers Kinshasa, la capitale de la RDC, et, au-delà, vers le port de Matadi, d’où lui parviennent des produits manufacturés et pétroliers, ainsi que vers le Congo-Brazzaville.

Moins de 400 km séparent Akula de Mbandaka, le chef-lieu de l’Équateur. De là, on atteint Kinshasa après un parcours d’environ 700 km sur le fleuve Congo.

Principale porte d’entrée et de sortie du Sud-Ubangi, le port d’Akula est situé sur la rivière Mongala, qui est la respiration économique de la province.

Logé au bord de la rivière Ubangi, face à Bangui, la capitale de la Centrafrique, Zongo, pour sa part, est un port de transit. « C’est un axe important pour l’export via Bangui et le port de Douala au Cameroun », explique Jean-Claude Mabenze Gbey Benz, le gouverneur de la province du Sud-Ubangi.

La réhabilitation des ports et leur connexion avec le réseau routier est indispensable pour développer les échanges

Plus en aval, Libenge, cité natale du sénateur Léon Kengo wa Dongo, et Dongo sont d’autres ports sur l’Ubangi. À l’époque coloniale, Dongo était le principal point d’attache de l’Office des transports coloniaux (Otraco). De là était évacuée la production agricole de l’ouest de l’actuelle province. Plusieurs embarcadères, à l’équipement sommaire, sur l’Ubangi et d’autres rivières, servent de lieux de transbordement des marchandises et d’embarquement des passagers.

Lire aussi : RCA-RDCongo : relations au beau fixe après les secousses des années 2002-2003 :https://www.makanisi.org/rca-rdc-relations-au-beau-fixe-apres-les-secousses-des-annees-2002-2003/

Amélioration du réseau routier

Outre les voies fluviales, les communications terrestres sont également assurées par le réseau routier. Deux nationales, la RN 23 et la RN6, traversent la province. Elles permettent la jonction entre Libenge, Zongo, Gemena et Akula, puis avec Lisala (dans la Mongola). La RN 24 relie Gemena à Gbadolite, le chef-lieu du Nord-Ubangi, situé plus au nord, puis à la frontière centrafricaine à hauteur de Mobayi-Mbongo.

Reste que ce réseau routier n’est pas asphalté et qu’il est en partie en mauvais état. Mais des efforts ont été fournis au cours des trois dernières années pour l’améliorer. Ainsi la RN 23 a été réhabilitée entre Libenge et Zongo, et la RN 6, axe routier d’importance pour le développement de la province, a été remise en état entre Gemena et le port d’Akula. Deux ponts métalliques modulaires SAW 1 et 2 ont été construits entre Gemena et Budjala sur la RP 322, qui relie Kolongo-Budjala-Yakamba et un pont a été réhabilité à Gemena. D’autres travaux sont en cours.

La RN 23 a été réhabilitée entre Libenge et Zongo, et la RN 6, axe routier d’importance pour le développement de la province, a été remise en état entre Gemena et le port d’Akula

Gemena, aéroport national

La province compte plusieurs infrastructures aéroportuaires. Érigé à l’époque coloniale et devenu national en 1972, l’aéroport de Gemena assure la liaison avec Kinshasa. Il a bénéficié longtemps des activités de la Société commerciale et industrielle Bemba (SCIBE Zaïre) de feu Jeannot Bemba Saolona, ex-président de l’Association nationale des entreprises du Zaïre (Aneza), qui l’utilisait notamment pour l’évacuation du café.

À l’époque coloniale, Libenge abritait un aéroport international qui faisait office d’escale sur l’un des itinéraires de la Ligne aérienne Belgique-Congo qui reliait Bruxelles et Léopolville (actuel Kinshasa) via Tripoli. L’aéroport est devenu un aérodrome sous l’ex-président Mobutu. La province compte d’autres aérodromes dont ceux de Gwaka (Miluna), de Dongo et de Zongo.

Lire aussi : Sud-Ubangi. Gros plan sur la Zone économique spéciale de l’Ubangi. https://www.makanisi.org/sud-ubangi-gros-plan-sur-la-zone-economique-speciale-de-lubangi/

Des infrastructures à renforcer

Malgré des améliorations notées dans le domaine des infrastructures de transport, les conditions de circulation à l’intérieur de la province et d’accès du Sud-Ubangi aux autres provinces congolaises et aux pays limitrophes restent difficiles, en particulier en saison des pluies. Ainsi, un coup d’accélérateur doit-il être mis sur la réhabilitation, le renforcement et la modernisation de ces équipements. Tel est, en tout cas, l’objectif du gouverneur. « Un effort doit être fait pour réhabiliter de nouveaux tronçons routiers, mais également pour asphalter les grands axes comme la RN6 », informe Mabenze.

la RN 6, axe routier d’importance pour le développement de la province, a été remise en état entre Gemena et le port d’Akula. @Miluna

D’autres travaux sont nécessaires dont la construction d’un pont moderne sur la Mongala et la modernisation du port d’Akula (renouvellement du réseau électrique et des équipements, renforcement des aires d’entreposage et aménagement des voies d’accès). Parmi les autres projets d’envergure figurent la rénovation du port de Dongo et de l’aéroport de Gemena. La réalisation d’un pont entre Zongo et Bangui, sur financement de la Banque africaine de développement, a été annoncé par le gouverneur Mabenze. Un bac moderne d’une capacité de 50 tonnes sera opérationnel en mai entre Zongo et Bangui. Il facilitera les échanges avec le port de Douala au Cameroun. Enfin, l’implantation d’une zone économique spéciale (ZES) est prévue dans le territoire de Budjala.

« Un effort doit être fait pour réhabiliter de nouveaux tronçons routiers, mais également pour asphalter les grands axes comme la RN6 », informe Mabenze.

L’énergie, un énorme déficit

L’autre grand problème du Sud-Ubangi est le manque d’énergie. Selon l’Atlas des énergies renouvelables de la RDC, Édition 2016, du ministère de l’Énergie et des ressources hydrauliques, la province ne dispose que de 3 centrales thermiques (Gemena, Zongo et Libenge) appartenant à la Société nationale d’électricité (SNEL).

La centrale de Gemena compte 5 groupes, pour une puissance installée de 1,592 MW. Zongo et Libenge n’ont qu’un seul groupe chacun, avec, respectivement, une puissance installée de 0,296 MW et 0,44 MW. Toutefois, Zongo et Libenge ont été récemment interconnectées à la centrale hydroélectrique de Boali (Centrafrique), par une ligne à haute tension passant par Bangui, dans le cadre du projet transfrontalier RCA-RDC, financé par la Banque africaine de développement.  

Zongo et Libenge ont été récemment interconnectées à la centrale hydroélectrique de Boali (Centrafrique) par une ligne à haute tension passant par Bangui.

Malgré cette avancée, l’électrification de la province reste un défi. Les institutions et les populations aux revenus élevés utilisent les groupes électrogènes et les panneaux solaires. Les plus pauvres ont recours au bois-énergie.

Hydroélectricité, solaire et biomasse

Les solutions au déficit énergétique passent par la construction de centrales hydroélectriques. Des sites ont été identifiés dans les territoires de Libenge, Kungu et Budjala. Si les capacités éoliennes sont limitées, en revanche, le potentiel solaire est très élevé (supérieur à 5 kWh/m2 /jr), de même que celui de la biomasse-énergie, présente dans la quasi-totalité de la province sous forme brute, de déchets agricoles et autres.

Enfin, l’accent doit être mis sur le renforcement des équipements et des services Internet et des nouvelles technologies de la communication et de l’information.

Organisation administrative de la province du Sud-Ubangi

Chef-lieu : Gemena.

2 villes :

  • Gemena.  Communes urbaines : Mont Gila,  Gbazubu, Labo, Lac-Ntumba
  • Zongo. Communes urbaines :  Nzulu et Wango

4 Territoires :

  • Territoire de Gemena (11 488 km2) ; Secteurs : Banga-Kungu, Bowase, Mbari, Nguya
  • Territoire de Budjala (13 434 km2) ; Secteurs : Banga, Bolingo, Gombe-Doko, Mongala, Ndolo-Liboko ; commune rurale : Budjala
  • Territoire Kungu (12 848 km2) ; Secteurs : Bamboma, Dongo, Lua, Mwanda, Songo ;  commune rurale : Kungu
  • Territoire de Libenge (12 833 km2) ; Secteurs : Libenge-centre, Libenge-nord, Libenge-sud ; commune rurale : Libenge

195 groupements

1692 villages

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