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dimanche 24 septembre 2023
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Gabon. Des ONG veulent être davantage impliquées dans la bataille climatique

La prise de conscience des enjeux climatiques semble gagner du terrain au Gabon. De plus en plus d’ONG qui opèrent dans ce pays tentent de lutter, avec leurs faibles moyens, contre le dérèglement climatique, mais elles se sentent quelque peu abandonnées à elles-mêmes. Tel est le cas de la Fondation villageoise de gestion de la nature (FOVIGENA) dirigée par Séraphin Ekemi Mfouo, qui a répondu aux questions de Makanisi.

Propos recueillis par Arthur Malu-Malu à Libreville.

Makanisi: quelles sont les spécificités de la Fondation villageoise de gestion de la nature ?

Séraphin Ekemi Mfouo

Séraphin Ekemi Mfouo : La Fondation villageoise de gestion de la nature est une ONG comme toute autre, qui a pour mission de valoriser le savoir-faire traditionnel des populations locales, notamment dans le cadre de la gestion durable des ressources naturelles. Nous sommes une ONG à caractère national, qui a des branches locales. Sur le plan international, nous appartenons à plusieurs réseaux qui sont dans le même domaine que nous, le domaine de l’environnement.  

Comment votre ONG lutte-t-elle contre le changement climatique ?

Tout est parti d’un constat établi il y a 28 ans, que les ressources naturelles, notamment la faune sauvage et la flore, subissaient une lente extinction. Donc il a fallu que nous joignions nos efforts à ceux du gouvernement afin de préserver les ressources naturelles. Ce constat est parti de la lutte contre le braconnage. On ne peut pas parler du changement climatique sans parler de la déforestation, parce que la forêt participe à la séquestration de carbone.

Nous avons mis en place un programme qui consiste à veiller sur l’application des lois forestières de manière à ce que les exploitants n’abîment pas, n’abusent pas et n’exploitent pas hors permis

La lutte contre la déforestation est au cœur de votre action…

Oui, nous avons plusieurs thématiques dans notre ONG. La lutte contre la déforestation est au coeur de notre action. Nous avons mis en place un programme qui consiste à veiller sur l’application des lois forestières, de manière à ce que les exploitants n’abîment pas, n’abusent pas et n’exploitent pas hors permis. Nous participons ainsi aux efforts du gouvernement dans le cadre de la gestion durable des forêts.

Lire aussi : Gabon : les pays africains en concertation en prélude à la COP 27. https://www.makanisi.org/gabon-les-pays-africains-en-concertation-en-prelude-a-la-cop-27/

Vous sentez-vous un peu trop seul dans ce combat dans le pays ?

Nous appartenons à plusieurs réseaux, par exemple le réseau environnement Gabon, qui regroupe 18 ONG nationales. J’en suis actuellement le coordonnateur. Je suis aussi le coordonnateur de l’Observatoire indépendant des forêts du Gabon, qui regroupe 10 ONG, et du réseau des jeunes sur la déforestation. L’ONG est membre de beaucoup de réseaux. Elle travaille également en concertation avec les autres ONG nationales.

Le renforcement des capacités nécessite des moyens financiers pour faire venir des experts afin de former et d’améliorer les compétences de nos membres.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confronté ?

Premièrement, les difficultés sont d’ordre financier. Notre mission consiste à observer, de façon indépendante, les forêts. On ne peut pas aller observer une exploitation qui se passe à 500 km de Libreville sans les moyens financiers adéquats. Une autre difficulté est liée au renforcement des capacités. La science de la forêt évolue de jour en jour. Nous avons un problème de renforcement des capacités institutionnelles comme matérielles. Aujourd’hui, on parle du marché de carbone. Or la connaissance fine de ce marché nécessite une formation adéquate. Les moyens financiers sont nécessaires pour faire venir des experts chargés de former et d’améliorer les compétences de nos membres. Donc pour mener à bien cette mission, il faut de solides moyens financiers que nous n’avons pas malheureusement.

D’où viennent vos ressources financières ?

Pour le moment, nous fonctionnons avec les cotisations de nos 154 membres. Chacun donne 1000 FCFA par mois, soit 2 dollars. C’est notre seule source de revenus pour le moment. Ce n’est pas suffisant pour mener à bien nos activités. Je tiens à signaler quand même que le Gabon compte 2 052 villages. Il n’y a plus d’acteurs, plus d’ONG, qui travaille dans ces villages. Plus de 80 pour cent du territoire gabonais est couvert de forêts. Le travail est énorme, mais nous n’avons pas les moyens de le faire correctement. Avec les maigres moyens dont nous disposons, nous sommes obligés de limiter nos activités à la province de l’Estuaire, aux alentours de la capitale.

Il n’y a pas de raison que les ONG de la société civile comme les nôtres qui travaillent dans le cadre de l’accompagnement du gouvernement pour améliorer le cadre de vie de la population ne soient pas soutenues

Quelles étaient vos attentes par rapport à la Semaine africaine du climat qui s’est tenue tout récemment à Libreville en vue de la COP27 prévue en novembre en Égypte ?

Nos attentes étaient multiples. Nous attendions que le gouvernement, qui a organisé ces assises, implique sincèrement les organisations membres de la société civile dans la lutte contre le changement climatique. La société civile n’est pas suffisamment impliquée dans cette bataille. Nous le sommes à un certain niveau, peut-être dans le cadre organisationnel. Mais notre implication n’est pas à la hauteur de ce que nous pouvons espérer. Les ONG de la société civile bénéficiaient d’une subvention de l’État. Mais cette aide a été supprimée il y a une dizaine d’années. Cela prouve que les organisations de la société civile sont quelque peu handicapées. Le gouvernement a expliqué que l’arrêt de ces subventions était imputable à la conjoncture. Le Gabon est tributaire de son secteur pétrolier. Et comme près de 75 pour cent du budget de l’État provient de l’exploitation pétrolière, lorsque le prix du baril de pétrole chute sur les marchés internationaux, l’économie prend un coup. Au total, chacune des 18 ONG concernées bénéficiait de 2 millions de FCFA, soit 3 000 euros.

Lire aussi : Gabon. La Semaine africaine du climat s’achève sur une note d’optimisme. https://www.makanisi.org/gabon-la-semaine-africaine-du-climat-sacheve-sur-une-note-doptimisme/

Avez-vous le sentiment d’être abandonné par les pouvoirs publics ?

Oui, les pouvoirs publics nous laissent à l’abandon. Il n’y a pas de raison que les ONG de la société civile comme les nôtres, qui travaillent dans le cadre de l’accompagnement du gouvernement pour améliorer le cadre de vie de la population, ne soient pas soutenues.

Nous nous sommes également opposés à la construction d’un aéroport dans le parc national d’Akanda, au nord de Libreville.

Quelles sont les réalisations dont vous êtes fiers à ce stade ?

Nous avons œuvré aux côtés de nos amis de la société civile pour faire en sorte que le projet de Belinga concernant l’exploitation de fer ne puisse pas voir le jour d’une manière précipitée, parce que toutes les conditions relatives aux études d’impact n’étaient pas vraiment réunies. Nous nous sommes également opposés à la construction d’un aéroport dans le parc national d’Akanda, au nord de Libreville. Et là aussi, nous avons conjugué nos efforts au sein de la société civile gabonaise pour faire comprendre au gouvernement qu’on ne peut pas détruire le tourisme au profit d’un aéroport. Le travail de lobbying et de plaidoyer que nous avons mené a porté ses fruits. Le projet a été délocalisé à au moins 60 km de Libreville, en allant vers l’intérieur du pays. L’aéroport est en voie de construction.

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