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jeudi 25 avril 2024
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La RDC tente de séduire des investisseurs français

Kinshasa poursuit son offensive visant à attirer des investisseurs étrangers. Une délégation congolaise s’est rendue en France, pour à la fois présenter les opportunités d’investissement offertes par la RDC et convaincre ses interlocuteurs d’y placer leurs billes. Mission accomplie ? Difficile de tirer des conclusions, à ce stade.

La RDC cherche à diversifier son économie qui repose, pour l’essentiel, sur les exportations de produits miniers, et à séduire de nouveaux investisseurs. C’est dans cette perspective qu’une délégation congolaise conduite par le ministre du Plan, Christian Mwando Nsimba Kabulo, et son homologue de l’Emploi, du Travail et de la Protection sociale, Claudine Ndusi M’Kembe, a eu des échanges le 25 novembre 2022, à Paris, avec des entreprises françaises.

La rencontre a été organisée à l’initiative de l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI) et du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN).

La rencontre a été organisée à l’initiative de l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI) et du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN). Placée sous la tutelle du ministère du Plan, l’ANAPI est un établissement public qui conseille le gouvernement central et les 26 gouvernements provinciaux, notamment sur les questions liées aux investissements et au climat des affaires.  Le CIAN, pour sa part, regroupe les entreprises industrielles et de services qui se déploient en Afrique. Cette organisation patronale privée assure que ses membres réunis génèrent autour de 80% de l’activité économique française sur le continent africain.

La délégation congolaise

Outre deux ministres, la délégation congolaise comprenait Anthony Nkinzo, directeur général de l’Anapi et un représentant de l’Agence nationale de l’électrification et des services énergétiques en milieux rural et périurbain (Anser), qui a notamment présenté les projets d’investissement en matière d’énergie retenus dans le cadre du programme de développement des 145 territoires.

Christian Mwando Nsimba Kabulo, ministre d’État, ministre du Plan de la RDC. @MDMM

Étaient également de la partie Isabel Tshombe, ambassadrice de la RDC en France, ainsi que Jean-Claude Mabenze Gbey Benz, le gouverneur du Sud-Ubangi. Il s’agissait, pour ce dernier, de présenter les spécificités de cette province à vocation agricole située dans le nord-ouest, à la frontière avec la Centrafrique et le Congo-Brazzaville.

Lire aussi : Le Sud-Ubangi : une province carrefour du nord-ouest de la RDC. https://www.makanisi.org/le-sud-ubangi-une-province-carrefour-du-nord-ouest-de-la-rdc/

Des membres de la diaspora congolaise de France, qui compte diverses compétences, ont également pris part à cette rencontre : avocats, banquiers, entrepreneurs, économistes, journalistes, etc. voulaient ainsi s’enquérir des nouvelles évolutions dans ce pays en pleine métamorphose

Les raisons d’investir en RDC selon la France

Dès le départ, la partie française a annoncé la couleur. Elle a tout d’abord encouragé les entreprises présentes à la rencontre, à aller investir en RDC. « Il faut démontrer qu‘on peut faire du business, que les opérateurs économiques peuvent gagner de l’argent dans ce pays, en se développant, avec une croissance forte », a déclaré Étienne Giros, le président du CIAN. 

« Les secteurs dans lesquels les sociétés françaises ont un savoir-faire reconnu sont multiples : le numérique, la formation aux métiers du numérique, les télécom, l’installation de « data centers », l’accompagnement d’entrepreneurs miniers, etc. »

La partie française a également mis en avant les multiples secteurs dans lesquels les sociétés françaises ont un savoir-faire reconnu : le numérique, la formation aux métiers du numérique, les télécommunications, l’installation de « data centers », l’accompagnement d’entrepreneurs miniers, etc.  

« Notre souhait est que les entreprises françaises puissent se positionner sur les grands projets structurants pour le pays et qu’elles puissent accroître leurs investissements en République démocratique du Congo », a expliqué, de son côté, Olivier Becht, le ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l’Attractivité et des Français de l’étranger. « D’ici 2025, 500 millions d’euros d’engagements sont prévus dont 200 millions dès 2022. »

Les responsables français ont également affirmé que la RDC est, à leurs yeux, un partenaire économique important en Afrique. En témoigne la conclusion d’un programme entre le Fonds monétaire international (FMI) et la RDC, en juillet 2021, qui a eu des effets positifs dans les milieux d’affaires français. Ce programme, qui constituait la première étape d’un décaissement d’environ 1,5 milliard de dollars étalé sur trois ans, a influé positivement sur l’image du pays auprès des investisseurs internationaux. La RDC a accepté, en contrepartie, de faire preuve de plus de transparence dans son secteur minier. La France, confortée par cette avancée, a opté pour l’accroissement de ses engagements et la reprise des prêts souverains de l’Agence française pour le développement (AFD).

La France reste malgré tout peu présente dans le secteur économique de la République démocratique du Congo, qui est une ex-colonie belge.

La France reste malgré tout peu présente dans le secteur économique de la République démocratique du Congo, qui est une ex-colonie belge. Les raisons de l’attentisme des dirigeants d’entreprises françaises sont-elles imputables à l’image peu flatteuse que renvoie la RDC à l’étranger ? Sans doute. Mais depuis l’investiture du président Félix Tshisekedi, en janvier 2019, à l’issue des élections présidentielle et législatives émaillées d’incidents, les autorités congolaises mettent en avant la nécessité d’un « nouveau narratif » pour changer cette image. Pour quel résultat ? 

Lire aussi : La République démocratique du Congo en chiffres. Édition 2022. https://www.makanisi.org/la-republique-democratique-du-congo-en-chiffres-edition-2022/

L’environnement des affaires s’améliore peu à peu

Lors de cette rencontre à Paris, la RDC a d’emblée mis en avant ses atouts : un vaste territoire qui s’étale sur 2.345.000 km2, un réseau hydrographie très dense, quelque 80 millions d’hectares de terres arables, un sous-sol immensément riche qui lui a valu le surnom de « scandale géologique », une population d’environ 100 millions de personnes, dont une grande proportion de jeunes de moins de 25 ans, etc.  Toutefois, les délégués congolais n’ont pas passé sous silence les difficultés auxquelles le pays fait face et qui dissuadent certains de « l’essayer ». Tout en soulignant aussi les réformes en cours et les raisons d’espérer.

Anthony Nkinzo, DG Anapi @MDMM

Dans quel état est l’environnement des affaires en RDC ? Les investisseurs étrangers s’attendent-ils à trouver un pays où la sécurité juridique est garantie ? Le code des investissements, en vigueur depuis 2002 est-il adapté aux évolutions économiques de ces dernières années ? Une évaluation est en cours en vue de le dépoussiérer.

« Le code des investissements devrait intégrer des réformes dans le secteur fiscal et celui des infrastructures… Les réformes sont congolaises. C’est un élément important. Nous ne faisons pas de réformes pour nous dire qu’on se met au diapason des autres pays. C’est par rapport au développement de la RDC. Les réformes répondront aux desiderata des Congolais », a tenu à préciser Nkinzo.

« Le code des investissements, en vigueur depuis 2000 est-il adapté aux évolutions économiques de ces dernières années ? Une évaluation est en cours en vue de le dépoussiérer »

Élément encourageant : en termes de croissance économique, la RDC fait partie des meilleurs élèves africains. En 2020, son PIB s’est accru de 1,7 %. La pandémie de covid 19, qui a affecté la planète, ne l’a pas épargnée. Le pays a néanmoins bien rebondi en 2021, affichant un taux de croissance de 6,2 %, l’un des plus élevés du continent,  qui est estimé à 6,6 % en 2022 et projeté à 6,7 % en 2023. Si la croissance continue d’être portée par l’industrie extractive, des efforts de diversification de l’économie sont en cours et le gouvernement est déterminé à accroître les investissements dans l’industrie manufacturière et le secteur agricole.

Malgré la guerre dans l’Est du pays… 

Parmi les facteurs de nature à décourager des investisseurs potentiels, figure la guerre qui sévit dans l’est de la République démocratique du Congo, où un mouvement rebelle (M23) soutenu par le Rwanda, est aux prises avec les forces armées congolaises depuis quelques mois.

Le M23, vaincu par l’armée congolaise en 2013, a repris ses activités en 2022. Et les forces armées congolaises semblent avoir du mal à s’imposer face à ces rebelles qui seraient bien équipés, selon le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. La MONUSCO, la mission onusienne en République démocratique du Congo, qui apporte une aide logistique à l’armée congolaise lorsqu’elle lance des opérations de grande envergure dans l’est du pays, est bien discrète ces derniers temps.  

« Le conflit armé dans la province du Nord-Kivu en particulier et la présence, en général, d’environ 120 groupes armés dans certaines localités de l’est, ne constituent nullement un frein à la conduite des affaires dans le pays »

… le pays bénéficie d’investissements extérieurs

Anthony Nkinzo a toutefois relevé que cette guerre, qui se déroule dans l’est, à quelque 2000 km de la capitale, n’empêche pas le pays de bénéficier d’investissements extérieurs.

En d’autres termes, le conflit armé dans la province du Nord-Kivu en particulier et la présence, en général, d’environ 120 groupes armés dans certaines localités de l’est, ne constituent nullement un frein à la conduite des affaires dans ce pays très diversifié. La part du territoire où sévit l’insécurité ne représente pas grand-chose par rapport à celle qui est contrôlée par le gouvernement. Bref, l’administration s’acquitte tout à fait normalement de ses missions dans la grande majorité du territoire national. 

Lire aussi : La RDC peine à imposer son « nouveau narratif ». https://www.makanisi.org/la-rdc-peine-a-imposer-son-nouveau-narratif/

Si la corruption n’a pas été éradiquée, des efforts sont néanmoins fournis dans la lutte contre ce fléau depuis l’investiture, en janvier 2019, du président Félix Tshisekedi, à l’issue des élections présidentielle et législatives émaillées d’incidents. Mais le chemin reste encore long pour que le pays se targue d’avoir remporté des victoires significatives sur ce terrain.

Signature d’un protocole d’accord entre le Cian (Étienne Giros) et l’Anapi (Anthony Nkinzo) @MDMM

Signature d’un protocole d’accord entre l’Anapi et le Cian

Les échanges entre Français et Congolais ont-ils été fructueux ? Un indice : les deux parties ont signé un protocole d’accord à l’issue de leurs échanges.

La suite ? Une délégation d’investisseurs français est attendue à Kinshasa dans les prochaines semaines pour toucher du doigt certaines réalités. C’est après cette visite que l’horizon pourrait s’éclaircir et qu’on saura si une nouvelle page s’est ouverte entre la RDC et la France, deux géants de la Francophonie.

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