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dimanche 26 mars 2023
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Congo. Les sociétés à capitaux asiatiques dominent la filière bois

Évaluée entre 21,9 et 24 millions d’hectares, soit environ 65% de la superficie totale du territoire congolais, la forêt congolaise se répartit en deux grands massifs forestiers. Celui situé dans la partie nord du pays, le plus vaste et le plus riche en essences nobles, abrite des concessions forestières de grande superficie. Exploité depuis l’époque coloniale, le massif de la partie sud du Congo compte des concessions de plus petite surface.

La filière se caractérise par un faible taux de transformation et un pourcentage élevé d’exportation de grumes, en majorité destinées aux marchés asiatiques. Ce sont d’ailleurs les sociétés à capitaux asiatiques qui dominent la filière. Le nouveau code forestier, adopté en 2020, instaure un nouveau régime d’exploitation et de transformation et impose une transformation totale des grumes au Congo. Le défi est important.

Sur les 300 espèces d’arbres recensées, seules quelque 50 espèces sont exploitées. Toutefois les deux tiers des grumes portent principalement sur deux essences : l’okoumé, dans le massif forestier sud, et le sapelli, dans le massif nord. Une dizaine d’autres essences commerciales sont également exploitées.

Fin 2020, le secteur forestier comptait 37 entreprises qui se répartissaient 56 concessions – Unités forestières d’aménagement (UFA) et/ou Unités forestières d’exploitation (UFE) – aux superficies variées. Ces sociétés opèrent jusqu’à présent selon deux titres d’exploitation : les conventions de transformation industrielle (CTI) et les conventions d’aménagement et de transformation (CAT). La superficie totale de forêts concédées est de 14 061 404 hectares.

Fin 2020, le secteur forestier comptait 37 entreprises qui se répartissaient 56 concessions

Faible transformation

Confrontée à la pandémie de Covid-19, la filière bois a enregistré une baisse de production de 6,8% entre 2020 et 2021, pour s’établir à 2,249 millions de m3 en 2021 contre 2,413 millions de m3, un an plus tôt, selon le rapport annuel 2021 de la BEAC. Dans la foulée, les exportations de bois ont chuté à 1,002 million de m3 en 2021 contre 1,075 million de m3 un an plus tôt. Néanmoins et malgré ses yoyos, la production de bois est sur une tendance haussière puisqu’elle s’affichait à 2,033 millions de m3 en 2016.

La transformation est limitée pour l’essentiel aux sciages, aux déroulages et aux placages

Plusieurs traits notoires caractérisent la filière bois congolaise. La première particularité est le faible niveau de transformation, qui avait pourtant été fixé à 85 % du volume coupé avant l’adoption du code forestier de 2020 (Loi n° 33-2020 du 8 juillet 2020). À l’exception d’une poignée d’entreprises, dont la Congolaise Industrielle des Bois (CIB) et Likouala Timber, qui vont jusqu’à la troisième transformation (parquets, meubles et maisons), la transformation est limitée pour l’essentiel aux sciages, aux déroulages et aux placages. En témoignent les volumes transformées en produits semi-finis ou finis, qui représentent à peine 20 % de la production totale de bois.

Une situation à mettre sur le compte du manque de développement de l’outil industriel. Ce sont les unités industrielles installées dans le nord du pays qui sont les mieux équipées pour les 2è et 3è transformations. La menuiserie artisanale est informelle et ne fabrique pas de produits de grande qualité du fait de la matière première utilisée (sciages humides).

Grumier au Poste de contrôle des eaux et forêt et de la police nationale sur la RN3 aux environs de Dibéni (Niari)@J. Lignongo. Septembre 2022

Exportation élevée de grumes

Ceci expliquant cela, l’exportation des grumes est élevée. Selon le rapport 2021 de la BEAC, elle représentait environ 45 % de la production totale de bois en 2021, en hausse par rapport à 2016, où elle s’affichait à 41 %. Les pays asiatiques, et notamment la Chine, sont les principaux clients du bois congolais (grumes et produits semi-finis). En 2018, d’après le Ministère de l’Économie forestière, plus de 80 % du bois congolais (dont 45 % de grumes) a été exporté en Asie, 16 % en Europe et moins de 1% en Afrique.

L’exportation des grumes représentait environ 45 % de la production totale de bois en 2021

La faiblesse de la transformation et le taux élevé d’exportation des grumes posent question, alors que le gouvernement congolais ne cesse de proclamer l’importance stratégique de l’industrialisation de la filière bois pour diversifier l’économie.

Zéro exportation de grumes

Le code forestier 2020 inversera-t-il la tendance ? En tout cas, il ne laisse aucun doute sur ce plan : « Les produits des forêts naturelles et des forêts plantées sont essentiellement transformés sur le territoire national. Les exportations portent sur les produits semi-finis ou finis et sur les grumes des espèces de bois lourd et dur dont l’usinage fait appel à une technologie spécifique, tout doit être transformé localement » (article 97).  

La mise en application de ces mesures a été retardée en raison du Covid-19. L’impact de la pandémie sur l’économie et notamment sur la filière bois étant désormais limité, le gouvernement a décidé d’appliquer la mesure « zéro exportation de grumes », au 1er janvier 2023.  Ainsi, les sociétés forestières doivent désormais transformer toute leur production sur place pour créer plus d’emplois et de valeur ajoutée. Toutes sont-elles prêtes ? La question reste posée. Des ONG se demandent si la mesure a bien été préparée tandis que des entreprises forestières ont demandé un moratoire de six mois pour se mettre en conformité. 

À (relire). Congo-B. Sur les traces des dernières reliques de la forêt primaire à Dolisie. https://www.makanisi.org/congo-b-sur-les-traces-des-dernieres-reliques-de-la-foret-primaire-a-dolisie/

Régime de partage de production

Pour favoriser la transformation, des Zones économiques spéciales (ZES) centrées sur la transformation du bois (ZES de Pointe-Noire et d’Oyo-Ollombo) ont été créées. Reste à y attirer des investisseurs.

Unité industrielle de la CIB à Pokola @MDMM

Le code forestier de 2020 a, par ailleurs, institué le régime de partage de production qui consiste en « la répartition de la production totale de grumes entre le bénéficiaire d’une convention, titulaire d’un permis d’exploitation, et l’État propriétaire » (article 104). Une décision qui, selon la ministre de l’Économie forestière, Rosalie Matondo, permettra « au pays de disposer d’une part de grumes qu’il pourra gérer et distribuer au profit de la population et de l’économie et de connaître le nombre d’espèces disponibles et le volume exploité pour retenir le pourcentage à partager ».

Ce partage intègre un marché ou une centrale d’achat installée dans les ZES. Il reste à en définir le pourcentage. Les CAT et les conventions de valorisation des bois de plantation devront être converties en contrats de partage de production, au bout d’une période de trois ans à partir de la date de promulgation du nouveau code forestier (article 254).

Certification et Plan d’aménagement

En matière de certification, le nouveau code forestier prévoit la création d’une « structure indépendante chargée de la gestion d’un système national de certification forestière, basé sur des principes, critères et indicateurs conformes aux standards internationaux » (article 70). Les plans d’aménagement seront étendus aux unités forestières d’aménagement de superficie moyenne qui feront l’objet d’un plan d’aménagement simplifié.

Sur 14,061 millions d’ha de forêts concédées, 8,3 millions d’ha font l’objet d’un plan d’aménagement

Actuellement, quoique signataires d’une CAT, toutes les sociétés concernées n’ont pas encore mis en place un plan d’aménagement. Fin 2020, sur les 14,061 millions d’hectares de forêts concédées, 8,3 millions d’hectares faisaient l’objet d’un plan d’aménagement. Plusieurs sociétés sont en cours de négociation. Environ une dizaine de concessions sont certifiées FSC (Forest Stewardship Council), la plus exigeante, OLB (Origine et Légalité des bois) ou VLC (Verification of Legal Compliance). Leur répartition est inégale. Dans la partie nord,  la plupart des sociétés attributaires d’une concession ont mis en place des plans d’aménagement, et sont certifiées. Dans le sud, les concessions sont plus petites et morcelées, avec plus de pression des populations. L’application des règles d’aménagement et de certification s’y fait lentement.

À (relire). Forêts du Bassin du Congo, des identités culturelles à préserver. https://www.makanisi.org/forets-du-bassin-du-congo-preserver-les-identites-culturelles/

Avec environ 4 millions d’hectares de concessions, les sociétés à capitaux chinois caracolent en tête.

Scierie de Wang Sam Ressources and Trading Company @MDMM

Les Chinois en tête des superficies concédées

Au fil des ans, les sociétés asiatiques (Chine, Malaisie et Singapour) se sont vues attribuer des UFA et/ou des UFE, au point de se situer dans le peloton de tête en termes de superficies concédées. Dominantes dans la partie sud, elles étaient minoritaires dans la partie nord où près de 45% des entreprises opérant dans cette zone, étaient à capitaux européens contre 13 % seulement dans le sud.

Avec environ 4 millions d’hectares de concessions, les sociétés à capitaux chinois caracolent en tête. Leurs intérêts sont représentés dans plusieurs sociétés. Le groupe Dejia du chinois Xu Gong De compte deux filiales au Congo : la Sino Congo Forêts, attributaire de quatre UFE réparties entre la Lékoumou et le Kouilou et Congo Dejia Wood Industry, titulaire d’une UFA dans la Cuvette Ouest. La Société d’exploitation forestière Yuang Dong, pour sa part, comprend 2 UFA dans la Sangha. Thanry Congo, filiale du groupe hongkongais Vicwood, est active dans la Likouala et Wang Sam Resources and Trading Company Congo dans la Cuvette.

À ce groupe, s’ajoutent le chinois Est Forestier Congo et deux privés chinois qui détiennent, depuis 2017, 80 % du capital de la société Entreprise Christelle dont l’UFA Tsama-Mbama s’étend sur 568 520 ha.

À (relire). La république du Congo en chiffres. Édition 2023. https://www.makanisi.org/la-republique-du-congo-en-chiffres-edition-2023/

Singapourien et Malaisien

Depuis qu’il a racheté les actifs de la Congolaise industrielle du bois (CIB), ex-filiale du danois Dalhoff Larsen et Horneman, l’agro-industriel singapourien Olam Agri est devenu le leader dans la partie nord du Congo et le leader au Congo en termes de superficies concédées. À elle seule, en effet, la CIB, sa filiale, est attributaire de quatre UFA et d’une UFE, qui totalisent 2,082 millions d’hectares de forêts.

La CIB, filiale d’Olam Agri, est attributaire de quatre UFA et d’une UFE qui totalisent 2,082 millions d’hectares de forêts.

Avec 2,269 hectares de forêts concédées, les Malaisiens ont renforcé, année après année, leurs positions dans la filière congolaise. Attributaire de 5 concessions (UFE), le groupe Taman, filiale du malaisien Rimbunan Hidjau, compte trois sociétés : Taman Industrie (2 UFE), la Société forestière et industrielle de Léboulou et la Compagnie Industrielle des Bois du Niari, soit au total 1,471 million d’hectares de concessions. Loin derrière, arrive le groupe sino-malaisien Asia Congo Industries (ACI), détenteur de quatre concessions. Dans le Niari, le malaisien Chua Kok Kiong est actionnaire unique des Sciages Industrielles Panneaux et Moulures (Sipam) pour l’UFE Mapati.

Asia Congo Industries à Dolisie @MDMM

Les entreprises européennes résistent

Bien qu’elles aient perdu du terrain, les entreprises à capitaux européens arrivent en deuxième position, avec environ 2,4 millions d’hectares de concessions. Trois d’entre elles sont implantées dans les départements du nord du pays. L’Industrielle forestière de Ouesso (Ifo), filiale du groupe germano-suisse Danzer (1,159 million d’ha) est établie dans la Sangha tandis que l’italien Likouala Timber, attributaire de deux UFA, et Mokabi, filiale du groupe français Rougier (une UFA), opèrent dans la Likouala.

Les entreprises à capitaux européens arrivent en deuxième position, avec 2,602 millions d’hectares de concessions.

Les Libanais, pour leur part,  interviennent dans la filière avec deux concessions Sifco et Bois et Placage de Lopola (Sangha). Difficilement classables en termes d’origine du capital sont les entreprises Noga Industries dans la Cuvette (UFA Mambili) et Sipam attributaire de l’UFE Loumongo dans la Lékoumou.

Montée en puissance des intérêts congolais

On observe une progression des intérêts congolais dans la filière bois congolaise depuis une dizaine d’années. Fin 2021, la superficie des concessions détenues par des intérêts congolais porterait sur quelque 2 millions d’hectares, réparties entre une vingtaine de sociétés.

Fin 2021, la superficie des concessions détenues par des intérêts congolais porterait sur 2 millions d’hectares, réparties entre une vingtaine de sociétés

Le privé national se divise en trois catégories. La première comprend des entreprises dont la taille des concessions se situe au-delà de 500 000 hectares. Tel est le cas de la Société forestière et industrielle d’Abala. Suite à des difficultés qu’a rencontrées la société, la concession serait gérée par Est Forestier Congo. La deuxième catégorie est formée d’entreprises dont la taille des concessions oscille entre 153 000 ha et 222 000 ha. À l’exception de l’Entreprise Christelle, dont Kelly Christelle Sassou N’Guesso détient 20 % du capital, qui opère dans la Cuvette Ouest, les entreprises de cette catégorie sont situées dans la partie sud du pays. Le troisième groupe est composé d’une quinzaine de sociétés dont la taille des concessions varie de 8000 ha à 90 000 ha. Une grande partie du privé national sous-traite l’exploitation de ses forêts à des compagnies étrangères, en particulier à des sociétés chinoises.

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