En Afrique centrale, première région d’introduction du cacao sud-américain sur le continent africain, le Cameroun, 3ème producteur africain et 4ème producteur mondial de cacao en 2021/2022, s’affiche comme le leader. Dans les autres pays (RDC, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Centrafrique), la cacaoculture, qui a souvent été négligée au profit de l’exploitation du pétrole et des mines, n’occupe pas une grande place dans le Produit intérieur brut et les exportations. Après une période de recul, la production redémarre, appuyée par des organismes publics, des coopérations bilatérales, des ONG et des sociétés privées, qui encadrent les petits producteurs.
La relance s’accompagne d’une nouvelle vision de la culture, de l’essor de la transformation et du Bean-to-Bar (de la fève à la tablette). L’accent est mis sur la maîtrise des itinéraires techniques (sélection des plants, écabossage, fermentation, séchage, calibrage et stockage des fèves, etc.), la préservation de la forêt et le respect des normes environnementales. Une attention particulière est portée au regroupement des planteurs en coopératives, à la certification (bio et équitable), à la traçabilité, à la mise sur le marché de « cacaos de spécialités ». La cacaoculture doit également répondre aux exigences de durabilité sociale. Elle doit permettre aux planteurs et autres acteurs de la filière d’être bien rémunérés, d’avoir accès à des services sociaux, sanitaires et éducatifs (centres de santé, eau, électricité et écoles) de proximité, et de vivre dans de bonnes conditions.
Lire aussi : La filière cacao d’Afrique centrale dominée par le Cameroun. 1/2. https://www.makanisi.org/la-filiere-cacao-dafrique-centrale-dominee-par-le-cameroun-1-2/
RDC : une filière en plein redéploiement
Le cacaoyer a été introduit en République démocratique du Congo (RDC), en 1884, dans le Haut-Congo (qui deviendra Province orientale) par l’agronome allemand Edouard Teusz. Les premières plantations ont été développées dans la région du Mayumbe (Kongo Central), avec des plants provenant essentiellement de Sao Tomé. Puis la culture a gagné les ex-provinces du Bandundu, de l’Équateur et la Province orientale. Actuellement, les bassins de production sont localisés dans l’ouest et le nord-ouest du pays (Kongo Central, Mai-Ndombe, Équateur, Tshuapa, Mongala, Sud- et Nord-Ubangui) ainsi que dans le nord-est et l’est (Tshopo, Ituri, Nord et Sud-Kivu).
Difficile de chiffrer avec précision la production, faute de statistiques fiables et parce qu’une grande part des fèves serait évacuée frauduleusement via des pays voisins. De 13 899 tonnes en 1995, la récolte est passée à 5 995 t. en 2013 et 15 422 t. en 2016. Elle est estimée à 27 184 t. en 2020, selon les données de la Banque centrale du Congo (BCC).
Pour l’entreprise Miluna, qui compte une plantation et une usine de torréfaction, la cacaoculture s’inscrit dans un système intégré basé sur quatre cultures pérennes : le palmier à huile, le café, le cacao et l’hévéa.
Le dynamisme des planteurs
Dans le nord-ouest de la RDC, plusieurs entreprises agricoles font de la cacaoculture bio, dont Miluna, établie dans le Sud-Ubangi, à Gwaka. Pour Miluna, qui compte une plantation et une usine de torréfaction, la cacaoculture s’inscrit dans un système intégré basé sur quatre cultures pérennes : le palmier à huile, le café, le cacao et l’hévéa. Tous les résidus organiques sont recyclés.
Lire aussi : RDC. Jean Lejoly « On ne fait pas d’agriculture biologique de manière isolée. Pour faire du bio, l’idéal est d’avoir un système intégré basé sur plusieurs cultures ». https://www.makanisi.org/rdc-pour-faire-du-bio-lideal-est-davoir-un-systeme-integre-base-sur-plusieurs-cultures/
Dans la Mongala, la relance des plantations de cacao de Yaligimba par les populations locales, est appuyée sur le plan logistique et financier par le producteur d’huile de palme PHC (Plantations et huileries du Congo), qui assure l’encadrement des agriculteurs pour étendre les plantations et améliorer la qualité des fèves.
Dans l’est (Ituri et Nord-Kivu), la filière se développe, en dépit de l’insécurité qui règne dans ces zones. Les planteurs, regroupés en coopératives, misent sur la qualité et les marchés de niches bio et équitable. Certains d’entre eux ont obtenu la double certification UTZ et Bio.
La transformation, notamment le bean-to-bar, se développe à l’initiative d’artisans chocolatiers, dont certains sont des planteurs regroupés en coopératives.
Theo Broma Congo, Chocolat Lowa et les autres
La transformation, notamment le bean-to-bar, se développe à l’initiative d’artisans chocolatiers, dont certains sont des planteurs regroupés en coopératives. À Kinshasa, Theo Broma Congo fabrique des tablettes de chocolat avec du cacao de la Mongala. Dans l’est du pays, plusieurs chocolateries proposent une gamme variée de produits : tablettes de chocolat, beurre de cacao, chocolat à tartiner et en poudre, et autres gourmandises. On peut citer Chocolat Lowa, créé par Alexis Kalinda, qui s’approvisionne en fèves provenant de Walikale et Luna Chocolate, tous deux installés à Goma, Virunga Chocolate à Beni et Cacao Okapi en Ituri. L’essor de la filière reste dépendant de plusieurs facteurs : l’amélioration de la situation politique et du climat des affaires, l’ouverture de voies de communication pour évacuer les fèves, l’harmonisation des textes et de la législation et la mise en place de mesures incitatives.
Lire aussi : Theo Broma, du chocolat 100% bio et esalemi na RDC (made in DRC). https://www.makanisi.org/theo-broma-du-chocolat-100-bio-et-esalemi-na-rdc-made-in-drc/
Congo : relance de la cacaoculture dans le cadre du Parsa
Au Congo, le cacaoyer a été introduit vers 1933 par les populations Djem du Cameroun dans la Sangha. Puis il s’est développé dans la Likouala et la Cuvette. Des expérimentations ont vu le jour dans le Niari, la Lékoumou et le Kouilou. Entre 1950 et 1980, le Congo a été exportateur de cacao, avec une production record de 2 500 tonnes en 1977, qui s’est écroulée à 841 tonnes en 1986, avec la mise en coupe réglée de la filière par l’État congolais dans les années 1970/80.
Fiasco du PND cacao
En 2012, le ministère de l’Agriculture et de l’Élevage (MAE) a conclu un protocole d’accord avec la Congolaise Industrielle des Bois (CIB), filiale du négociant singapourien Olam, pour mettre en œuvre le Plan national de développement du cacao (PND-Cacao) 2014-2018. Le MAE s’était alors engagé à financer, sur cinq ans, la production de 32 millions de plants, cédés gratuitement aux producteurs, et la mise en place de 8 pépinières dont 4 dans le nord du pays (Sangha, Cuvette, Likouala) et 4 dans le sud (Lékoumou, Kouilou, Niari), afin de planter 23 000 hectares de cacaoyers. Soit un budget de 33 milliards de FCFA sur 5 ans. Maître d’œuvre du PND-Cacao, la CIB/Olam a installé la pépinière de Madiboungou à Pokola (Sangha) et distribué 3 millions de plants dans la Sangha, la Likouala et le nord de la Cuvette ouest. Mais le projet a été arrêté en 2016. L’État devant 1,4 milliard de FCFA à la CIB, la société s’est désengagée du projet.
Le volet cacao du Projet d’Appui à la Relance du Secteur Agricole (Parsa). vise à faire émerger, dans le nord du Congo (Sangha, Likouala et Cuvette Ouest), une production de qualité, tout en préservant l’environnement.
Relance dans le cadre du Parsa
Néanmoins, l’engouement pour la cacaoculture n’est pas retombé. Des planteurs locaux, dont le nombre est en expansion, ont maintenu la culture, tandis que des privés ont investi dans la filière. Le nombre de coopératives s’est également accru. « À Pokola, la culture mobilise quelque 250 planteurs. Notre coopérative est à la recherche d’acheteurs et de partenaires Nous sommes engagés dans la certification », informe Roger Mombandzo, responsable de la Société Coopérative des producteurs agricoles de Pokola et ses environs (Socopape). Certaines plantations sont en phase de production et d’autres en cours de développement.
Actuellement, la cacaoculture est relancée dans le cadre du Projet d’Appui à la Relance du Secteur Agricole (Parsa). Le volet « cacao » vise à faire émerger, dans le nord du Congo (Sangha, Likouala et Cuvette Ouest), une production de qualité, tout en préservant l’environnement. Plusieurs mesures sont prévues : l’amélioration du cadre institutionnel et réglementaire, la promotion d’un cacao « made in Congo » à l’international, l’instauration d’indications géographiques, la professionnalisation des producteurs et le soutien de tous types d’initiatives dans la filière à travers la mise en place d’un mécanisme de financement innovant.
Estimée à 16 000 tonnes de fèves selon l’ICCO, qui encourage le Congo à rejoindre l’organisation, la production est en partie exportée vers l’Italie par la société italienne Diamond. Des négociants camerounais viennent également acheter des fèves dans la région. L’installation d’une unité de transformation est prévue dans la Zone économique spéciale d’Ollombo (Plateaux).
Gabon : l’appui de la Caistab
La cacaoculture gabonaise n’a cessé de décliner au cours des dernières décennies. De plus de 6 000 tonnes en 1970, la production exportée a chuté à 53 tonnes en 2015 pour remonter à 94,8 t. en 2017 et 115 t. en 2018. Elle s’établirait autour 250/300 t. en 2021. Une relève liée à la mise en œuvre de plusieurs projets : le projet « Cacao sous-ombrage comme développement économique zéro déforestation pour les communautés du Gabon » exécuté par Brainforest avec le soutien technique et financier de Noé et WWF ainsi que la réhabilitation des plantations abandonnées et la formation aux techniques cacaoyères et caféières d’une nouvelle génération de jeunes cultivateurs, dans le cadre du programme « Jeunes entrepreneurs café-cacao » (JECCA) lancé en février 2017, deux initiatives de la Caisse de Stabilisation et de Péréquation (Caistab).
À Libreville, les frères Ayimambenwe ont ouvert une chocolaterie, Kakao Mundo, qui produit 300 tablettes/jour.
Kakao Mundo, un chocolat estampillé durable et traçable
La relance de la cacacoculture et l’émergence de la transformation sont également à mettre sur le compte de privés. À Libreville, les frères Ayimambenwe ont ouvert une chocolaterie, Kakao Mundo, qui produit 300 tablettes/jour, dotées d’un QR Code. Les fèves proviennent de leur plantation, Sayiman, située près de Lambaréné (Moyen Ogooué) et des plantations de leurs cacaoculteurs-associés. Les deux frères, qui ont également créé Kakao Mundo en France et Ayimam Industry en Italie, ont lancé le projet Cacao Premium Gabonais (CaPreGa), pour former des planteurs aux normes de qualité. Leur objectif est de produire 3000 tablettes/j d’un chocolat made in Gabon, distribué au pays et exporté, issu d’un cacao 100 % traçable, labellisé, estampillé durable et viable pour les cultivateurs. Et de faire de la marque Kakao Mundo un label.
Guinée équatoriale et Centrafrique : faiblesse de la cacaoculture
En Guinée et en Centrafrique, la filière cacao est limitée à la culture. La transformation est quasi inexistante. La production et les exportations de fèves n’ont cessé de décliner tout au long des années passées. La relance est difficile et les producteurs manquent de savoir-faire.
Chute de la production en Guinée Équatoriale
La cacaoculture a été implantée en Guinée espagnole, dans les années 1850, sur l’île Fernando Po, située au large de la côte. Rebaptisée l’île de Bioko, elle est connue pour la qualité de son cacao « amalonado dorado » (melon doré), une variété très prisée par les artisans-chocolatiers belges, suisses et français. Jusqu’à l’indépendance du pays en 1968, le cacao a été, avec le bois, la principale source économique de la Guinée espagnole. Le pays produisait alors environ 40 000 tonnes réparties dans un millier de plantations sur 50 000 hectares.
À l’indépendance, le président Macias Nguema a nationalisé l’industrie cacaoyère et expulsé tous les étrangers (Camerounais, Nigérians, Espagnols), qui y travaillaient. Du coup, la production est tombée à 5 582 tonnes en 1978-1979. Le boom pétrolier de la fin des années 1980 n’a rien arrangé. Les mesures de relance, notamment de réhabilitation des plantations, destinées à redynamiser le secteur, sont appuyées par l’Institut national de promotion agricole de la Guinée équatoriale (Inpage) et des partenaires multilatéraux. Mais la production de fèves reste marginale (1000 t. en 2020). Les pays importateurs sont l’Espagne, l’Allemagne, la Suisse et le Portugal.
Les mesures de relance, notamment de réhabilitation des plantations, destinées à redynamiser le secteur, sont appuyées par l’Institut national de promotion agricole de la Guinée équatoriale (Inpage) et des partenaires multilatéraux
Manque de connaissances techniques en Centrafrique
En Centrafrique, le cacaoyer est cultivé dans huit préfectures du sud du pays : le Mbomou, le Haut Mbomou, la Basse-Kotto, le sud de la Ouaka, la Lobaye, la Mambéré-Kadéi, la Sangha-Mbaéré, le sud de l’Ombella Mpoko. La production était estimée à 130 t. en 2020. La filière pâtit d’un contexte sécuritaire difficile et du manque de qualité des fèves, les producteurs maîtrisant mal les techniques de fermentation, de séchage et de stockage. Un effort de formation des planteurs doit être fait.
Lire aussi : L’Afrique, leader mondial de la production de cacao. https://www.makanisi.org/lafrique-leader-mondial-de-la-production-de-cacao/